Chapitre 42

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Le retour à Ottawa fut difficile. Gaïa quitta les bras du Premier ministre avec peine. Le week-end qu'il lui avait offert était merveilleux. Féérique. Coincés dans une bulle, rien que tous les deux, leur relation s'était envolée. Il avait su la rassurer, lui montrer son amour, et elle en sortait plus confiante, et plus épanouie que jamais. Lorsqu'il l'avait déposé devant chez elle, Justin l'avait retenu un petit moment. Front contre front, il lui avait chuchoté qu'il ne voulait pas partir.

La vie à l'édifice Langevin avait repris, et le travail aussi. Une semaine passa et Gaïa pu à peine voir le Premier ministre qui partit le week-end pour un voyage au Japon, accompagné de Thibeault. De son côté, elle sortit avec Bénédicte et son copain et profita des températures clémentes d'Ottawa pour aller faire une randonnée.

Le mardi qui suivit, Gaïa tomba nez à nez dans le couloir avec un Justin au visage tiré, et au regard assombri. Trop heureuse de le revoir, elle refréna toutes ses envies et le salua poliment, étant donné qu'il était avec un collègue à lui.

« Gaïa! », s'exclama-t-il dans un sourire qui illumina légèrement ses yeux.

« Comment était le Japon? », demanda-t-elle.

« Justin, je t'attends dans la salle », intervint le collègue qui s'éloigna sans demander son reste.

« Bien, bien... »

Quelque chose clochait. Peut-être était-ce ses yeux qui la fuyaient, ses mains qui jouaient entre elles nerveusement, son front plissé, ses lèvres pincées...?

« Justin? Ça va? », fit-elle, inquiète.

Il soupira puissamment, comme s'il expirait soudainement un trop d'air qu'il avait gardé en lui trop longtemps.

« Est-ce qu'on peut se voir ce soir? », demanda-t-il, en la regardant enfin.

« Euh... oui. Mais qu'est-ce qu'il y a? »

« Rien... de grave... ne t'inquiète pas. Je t'appelle », dit-il avant de lui adresser un sourire qu'il voulut serein, mais qui eut plutôt l'effet inverse.

Gaïa passa la journée à se poser des questions et à imaginer le pire. Vers 21 heures, elle reçu son coup de fil.

« Gaïa? Tu es à la maison? »

La jeune femme sourit bêtement. Elle adorait lorsqu'il disait ça.

« Oui »

« Je devrais finir dans une heure, est-ce que ça fait trop tard? »

« Non, pas du tout »

« Ok. Je fais au plus vite. A toute à l'heure »

L'heure passa, et Justin sonna. Une mine encore plus fatiguée qu'au petit matin l'accueillit sur le pas de la porte. Il entra rapidement dans l'appartement et Gaïa et alla s'adosser au plan de travail. Ses boucles étaient éparpillées, brouillonnes, sur son front. La jeune femme s'installa en face de lui et attendit, le coeur battant.

« Sophie ne veut pas divorcer »

Le coup de massue qui s'abattit sur la tête de Gaïa la coupa de parole et de souffle momentanément. Devant son silence, Justin continua.

« Je lui en ai parlé en rentrant du Japon. Elle n'a rien voulu entendre, elle refuse le divorce »

« Mais... pourquoi? », parvint-elle à articuler tout bas.

Justin ferma les yeux et plissa le front, puis il fixa son regard au plafond.

« Elle m'a dit qu'elle m'aimait encore et qu'elle voulait qu'on sauve notre mariage »

Gaïa écarquilla les yeux de stupeur. L'incompréhension la figea sur place et les paroles de Sophie lui revinrent en tête. « Justin et moi sommes deux adultes responsables qui avons cessés de s'aimer. Il reste mon meilleur ami, mais je veux qu'il soit heureux, alors si c'est vous qui le rendez heureux, ce qu'il est clairement en ce moment... »

Pourquoi... avait-elle alors menti?

« Je ne comprends pas. Je ne m'y attendait pas, je n'ai pas su quoi dire, lâcha-t-il, dépité. Je ne veux pas que l'on soit en mauvais terme pour les enfants. Je ne pensais pas qu'elle voyait les choses de cette façon... »

Gaïa ne savait pas quoi dire, et redoutait où mènerait cette conversation.

« Et... toi? Tu... es d'accord avec elle? »

Justin releva brusquement la tête vers elle et l'affliction se peignit sur ses traits.

« Non! Bien sûr que non Gaïa. Jamais de la vie! Il s'approcha d'elle et la prit dans ses bras. Tu as oublié tout ce que je t'ai dit ce week-end? »

« Non, pas du tout... Mais peut-être que ses déclarations auraient pu changer la donne »

« Absolument pas. Je ne m'y attendais pas, c'est tout »

Il releva son menton et déposa un baiser tendre sur ses lèvres. Qui se fit plus pressant, plus audacieux. Ils s'écartèrent l'un de l'autre essoufflés et Justin posa son menton sur les cheveux de Gaïa.

« Il va falloir qu'elle entende raison, murmura-t-il. Je dois rentrer voir les enfants... Tu m'as manqué, tu sais »

« Toi aussi », souffla-t-elle, triste.

« Hey, on va trouver une solution », dit-il en prenant doucement son visage dans ses mains.

« Peut-être que c'est mieux pour vous de sauver votre mariage... », chuchota-t-elle au bord des larmes.

Les yeux de Justin s'assombrirent et toute trace de douceur s'évapora. Il écarta ses mains, comme s'il s'était brûlé.

« Et moi, ce que je ressens? », interrogea-t-il froidement.

Gaïa comprit que sa culpabilité à elle était entrain d'influencer son comportement avec lui.

« Je... ne peux pas décider pour toi »

« Non, justement. Alors ne me dit pas ce que je dois faire. Arrête de tout remettre en question constamment! »

Son ton femme et péremptoire fit frissonner la jeune femme.

« Tu ne comprends pas... »

« Je comprends très bien. Tu veux vivre l'esprit tranquille, tu te sens trop coupable, alors tu me repousses! Gaïa, il va falloir que tu te positionne. Tu n'es pas la seule à avoir besoin d'être rassurée, j'ai besoin de me sentir soutenu de ta part »

A ces mots, il récupéra sa veste sur le dossier de la chaise et sortit. 


Tout allait si bien pourtant... Gaïa comprit alors que tant qu'il ne serait pas totalement libre, leur relation ne pourrait être sereine.

L'Etat et toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant