Gaïa passa une seconde terrible nuit. Trempant ses draps de sueur, elle s'y tournait et retournait, cherchant vainement tantôt un peu de fraîcheur dans le creux de son oreiller, tantôt de la chaleur en repliant son édredon jusque sous son menton. Ses rêves furent peuplés de sombres personnages, de regards tranchants et d'émotions coupables. Au petit matin, elle se réveilla comme en gueule de bois, le vague à l'âme, complètement dans les vapes.
Comme la veille, elle replia ses jambes sous ses coudes, ramenant la couette autour d'elle et observa le jour se lever par la fenêtre près de son lit. C'était la veille de Noël.
Gaïa laissa son regard vagabonder sur les toits gris de sa rue, l'esprit encore brumeux. Les médicaments pris au petit jour avaient fait légèrement baisser la fièvre. Son état, à la limite de la conscience et du sommeil, faisait peine à voir. Une crinière de lionne entourait un visage pâle que deux ronds carmins sur les pommettes colorait seulement. Des yeux brillants de température, un nez rougis par les mouchoirs râpeux. Une bouche sèche, aux lèvres gercées. Gaïa déglutit.
Attrapant son portable sur sa table de chevet, elle se rallongea, épuisée.
« Prenez quelques jours Gaïa, on s'occupe de tout. On se revoit le 27. Bon rétablissement », lui avait écrit Noémie Dumont.
La jeune femme se souvint que le 25 et 26 décembre étaient fériés au Canada et soupira longuement. Ses yeux se refermèrent machinalement, puis, s'ouvrirent de stupeur en même temps que son coeur bondissait dans sa poitrine. Avait-elle réellement récité un poème de Louise Labbé au Premier ministre? L'avait-il vraiment pris dans ses bras jusqu'au taxi? Ce coup de peur lui enfonça une lame dans le crâne et elle se tint le front en gémissant, maudissant tous les dieux, bien qu'étant athée. Elle le revit agenouillé à ses pieds, les prunelles hésitant entre l'inquiétude et les représailles. Son coeur s'affola contre son gré et elle tenta de chasser ces pensées pour se ménager. Puis, les visages de ses enfants Xavier et Ella-Grâce s'incrustèrent derrière ses yeux et elle pesta contre elle-même, envoyant valser son coussin contre le mur opposé. Celui-ci s'y écrasa en silence et tomba dans un petit bruit mat sur le plancher.
Gaïa passa la journée et la nuit suivante clouée au lit, se nourrissant de soupe, d'eau et de Doliprane pour calmer sa fièvre, son mal de tête et les courbatures qui lui striaient le corps. Sa mère au téléphone lui conseilla d'appliquer un gant de toilette à l'eau fraîche sur son front, ce qui la détendit quelques temps.
Le réveillon de Noël arriva en un claquement de doigt, en même temps que l'humeur nostalgique et morose de Gaïa. Les films de Noël défilaient sur sa télé, sans interruption. Le petit sapin qu'elle avait acheté quelques jours auparavant diffusait une douce odeur de résine et les guirlandes lumineuses éclairaient faiblement mais intimement son salon. Salon qu'elle avait réussit à gagner finalement dans un ultime effort. Sa famille l'appela à tour de rôle, pour lui envoyer leur amour et leur réconfort à elle, elle qui était partie seule à l'autre bout de l'Océan Atlantique, sans personne.
Elle commanda un repas en livraison, et, devant Klaus, dégusta pour la première fois une poutine.
Qu'elle détesta.Alors qu'elle s'était assoupie devant la télévision, on toqua à sa porte. Ouvrant péniblement les yeux, Gaïa s'aperçut qu'une faible lueur filtrait par sa fenêtre et que l'aurore était là. Surprise, elle se leva comme elle pu du canapé, envoya valser le plaid par terre et tituba jusqu'à la porte d'entrée. Ce devait être une erreur. Une erreur le 25 au matin. Peut-être était-ce le Père Noël?
Un livreur apparut sur le seuil de sa porte, un bonnet enfoncé jusqu'en bas des oreilles. Puis, il sortit de derrière lui un somptueux bouquet de fleurs qu'il lui tendit. Stupéfaite, Gaïa pensa automatiquement qu'il devait se tromper.
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L'Etat et toi
FanfictionGaia Laforêt quitte la France, son travail et son copain de longue date pour commencer une nouvelle vie au Canada. C'est sa réponse à l'appel de l'aventure, et, malgré ses doutes, elle risque bien d'en mener une qui changera profondément sa vie. "...