Chapitre 9

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Tourmentée par une sensation étrange, Gaïa se laissa happer par la soirée pour en gommer ses relents. Bénédicte et elle dansaient maintenant devant l'estrade du groupe de seconde partie de soirée. L'air pulsé de Lets Dance de David Bowie faisait bouger les corps les plus éméchés. Dans une invraisemblable scène de rencontre, sénateurs, ministres et simples communicants se partageaient l'espace et virevoltaient entre eux. La lumière des lustres avait été tamisée, et  l'atmosphère entêtante diffusait son poison. Enivrée, Gaïa tournoyait gaiement entraînant dans son sillon le tissus soyeux de sa robe. Ah, les Canadiens savaient faire la fête! D'une moyenne d'âge relativement jeune par rapport à leurs collègues Français, les ministres investissaient la piste, riant à gorge déployée, tapant dans leur main. Il n'y avait pas de hiérarchie, pas de clan, seulement de la mixité et du partage. Gaïa se sentait électrifiée par cette ambiance nouvelle qu'elle découvrait. Une goutte de champagne coula sur son menton lorsqu'elle porta la coupe à sa bouche dans un mouvement de hanche. 

Les première notes de Don't stop me now de Queen résonnèrent en même temps que des petits cris satisfaits. La jeune femme balança son corps énergiquement au rythme des guitares. Bénédicte, à côté d'elle, jubilais et sautait sur place, embarquant un Joshua hilare.

« Est-ce que c'est pas stylé de bosser avec nous? », s'écria-t-elle à l'encontre de Gaïa. Celle-ci acquiesça vivement en levant son verre.

« Qui l'eut cru », dit-elle. Mais sa voix fut engloutit par le son.

Ils dansèrent, dansèrent, et lorsque, à bout de souffle, Gaïa décida d'aller se reposer, Les Rita Mitsouko entamèrent Marcia Baïla. Stupéfaite et excitée, la jeune femme se stoppa net. C'était LA chanson qu'elle ne cessait de passer aux soirées et qui soulait ses amis de France. Bénédicte lui jeta un regard de défi, et Gaïa fit tomber le masque. Comme possédée, elle laissa ses épaules, ses hanches, et ses jambes décider pour elle. Elle était Marcia. Elle dansait.

« La voir danser me transforme »

C'était son moment de française. Ses trois minutes à elle seule. Bénédicte la prit par la taille et la fit valser.

« C'est elle la sauterelle

La sirène en mal d'amour »

Emportée par l'élan de son geste, elle tourbillonna sans savoir s'arrêter, la tête légèrement vaporeuse. Jusqu'à ce qu'elle ne rencontre une masse dure qui l'immobilisa à temps. Une main s'était posée fermement sur sa taille, l'autre sur son épaule pour la stabiliser. Les deux iris argentées de Louis Rosanvallon lui sourirent, malicieux.

«  Vous alliez vous envoler »

Grisée, Gaïa fut tout en joie de le voir et lui offrit à son tour un sourire radian.

« Le petit prince de l'écologie! », s'exclama-t-elle, les joues rougies par l'alcool.

« Petit?! », feignant de s'estomaquer.

Amusée, il lui attrapa la main et la fit tourner sous son bras. Hilare, elle perdit légèrement l'équilibre à cause de ses talons qu'elle ne supportait plus, et s'écrasa contre son torse. Une effluve d'agrume et de bergamote fraîche la berça une petite fraction de seconde. Posant une main sur sa poitrine pour se dégager, Gaïa sentit la peau brûlante aux arrondis fermes de Louis Rosanvallon sous sa chemise. Perturbée, elle évita son regard. Il fallait qu'elle s'arrête. Elle ne pouvait se permettre de perdre le contrôle sur son lieu de travail, et encore moins devant un Ministre! Il en était hors de question. Gaïa se redressa pour essayer de se redonner une constance, et se racla la gorge.

« Il faut que j'y aille », croassa-t-elle à l'intention du grand blond et le dépassa, se frayant un chemin parmi la foule dansante. Une épaule la frôla.

L'Etat et toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant