Chapitre 32

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Les langoustines furent sans saveur, le champagne sans bulle et le chèvre frais sans goût. Le vin rouge colora les lèvres et les joues de Gaïa d'une jolie teinte carmin. Justin était dans son élément: il discutait, riait, raillait, débattait, argumentait... Il maîtrisait les mondanités, les rouages, les éléments de langage. Joshua tentait vainement d'entretenir le dialogue avec Gaïa mais celle-ci n'était plus dans son état normal. Tout ce qu'elle mangeait, elle souhaitait le recracher. Son regard noisette lui brulait la peau. L'indisposait, la gênait. Il n'avait plus le droit de la voir, il n'avait plus aucun droit sur elle. Pourtant, il la déstabilisait toujours autant.

Les mains recroquevillées sur ses cuisses, les épaules affaissées et la nuque courbée, Gaïa tentait tant bien que mal de fusionner avec la table. Justin sembla le remarquer et lui glissa un regard interrogatif. Mais ses yeux ne surent que fuirent. Le vin et la pression lui donnèrent des bouffées de chaleur. Ses jambes gigotaient, elle n'en pouvait plus. Aussi, elle se leva, s'excusa et quitta aussi dignement que possible le repas.

Elle sortit de l'autre côté de l'hôtel, du côté de la rue et, les mains tremblantes, elle s'empara tant bien que mal d'une cigarette qu'elle manqua faire tomber. L'air s'était rafraîchit, sans le soleil pour réchauffer l'asphalte et la plage de ses rayons. Seule, ses muscles se décrispèrent légèrement et elle relâcha la pression dans sa nuque et ses épaules en faisant des petits mouvements de tête.

Elle ne voulait pas retourner au dîner, aussi, elle prit la décision de monter directement à sa chambre. Pourquoi avait-il fallut qu'il se trouve sur son chemin? Troublée, elle enfonça la clé dans la serrure et poussa machinalement la porte qui se referma derrière elle, sans complètement claquer. Surprise, Gaïa se retourna et vit la porte s'ouvrir à nouveau pour laisser apparaître le visage satisfait de Pierre.

« Je rêve ou tu me fuis? »

Une sueur froide s'écoula de la tête aux talons de la jeune femme qui recula, interdite. Elle réalisa que c'était une mauvaise idée quand l'homme décida d'entrer carrément dans la chambre après elle.

« Tu n'es pas contente de me revoir? Ça fait un bail! »

Il s'adossa, nonchalant, contre l'armoire face au lit. Gaïa aurait voulu crier, mais elle était comme pétrifiée à nouveau.

« Tu sais, Gaïa, reprit-il en se redressant et avançant vers elle. Quand tu es partie ça m'a fait un choc »

La jeune femme recula instinctivement. Il s'en aperçut et secoua lentement la tête.

« Tu es dure avec moi. Tu sais, tu me manques beaucoup »

A ces mots, il avala les quelques mètres entre eux et ceintura Gaïa de ses bras.

« Pierre! », s'exclama-t-elle avant de se débattre mollement.

« Tu as toujours été effrontée, à n'en faire qu'à ta tête... Regarde, tu m'as laissé, tu es partie au canada »

« On n'était plus ensemble Pierre », souffla la jeune femme, soudain apeurée de la brutalité de son étreinte. Son souffle sentait le vin.

« La faute à qui? »

« A toi »

L'homme plissa les yeux et s'empara du menton de Gaïa pour qu'elle le regarde dans les yeux.

« Menteuse. C'est toi qui es partie »

« Pourquoi à ton avis?! », s'écria Gaïa en le repoussant de toutes ses forces. Elle parvint à s'éloigner quelque peu, mettant de la distance entre eux.

« Pourquoi? Parce que tu n'étais jamais satisfaite. Il t'en fallait toujours plus. Je ne te suffisais pas! »

« Pierre! Tu es malade », murmura-t-elle d'une voix blanche.

L'Etat et toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant