L'Etat et toi

Chapitre 36

La main de Gaïa se cramponnait à la rambarde en bois lustrée de l'escalier qui menait à la sortie de la salle de concert. Maudissant ce satané champagne qu'elle n'avait su boire avec modération, elle manqua rater une des marches et jura entre ses dents. Une ombre se métamorphosa soudain près d'elle.

« Un coup de main? », proposa Justin. Sa voix raisonna froidement dans le hall et ses yeux, aussi glacés, firent presque frissonner la jeune femme. Qu'il apparaisse à ce moment précis fit monter une colère noire en elle.

« Non merci, je su...suis assez grande pour me débrouiller », rétorqua-t-elle en continuant de descendre tout en fixant ses pieds pour se concentrer.

« Gaïa, sois raisonnable »

Le sermont dans son accent l'irrita de plus belle.

« Qu'est-ce que tu fais là, d'ab...d'abord? Pourquoi tu t'in...teresses soudain à moi? »

« Je te rappelle que c'est toi qui m'a envoyé paître »

Il s'approcha lentement, les sourcils froncés. Son odeur empreignit l'espace vital de Gaïa qui ne pu s'empêcher de la humer discrètement.

« C'est pas ce que tu voulais? Mettre des distances? »

« Pas de cette façon là. Je n'ai jamais dit... je n'ai jamais voulu... jamais voulu renoncer à toi », dit-il d'une voix basse.

« Qu'est-ce que tu veux alors? »

Le grand brun s'immobilisa, le front soucieux et jeta de vagues regards autour de lui.

« Je... »

« Gaïa? La voix grave de Louis raisonna soudain derrière Justin. Tout va bien? Bénédicte a dit à Joshua que tu avais un coup dans l'nez, tu veux tu que je te ramène? »

« No...non, non c'est bon, je vais prendre un uber »

« Tu es sûre? », dit-il en coulant un oeil vers Justin. Celui-ci, raide comme un piquet, dardait ses orbes bleues quelque part entre le nombril de Gaïa et le sol.

« On discutait du dernier discours, déclara-il soudainement. Faites attention en rentrant Gaïa, bonne soirée ». Sans un mot de plus il fit demi-tour et regagna la salle de concert. L'air interrogateur sur le visage de Louis fit frissonner la jeune femme.

« Bonne nuit Louis », bredouilla-t-elle avant de gagner la rue.

Elle regagna son appartement le coeur lourd. D'une parce qu'elle avait trop bu, et de deux parce que l'attitude de Justin l'avait déçue. Le voir l'avait remuée. Le voir sans pouvoir l'étreindre. Le voir sachant qu'ils ne partageaient plus la même relation... Gaïa s'endormit rapidement grâce au champagne.

Une semaine passa à nouveau sans que la jeune femme ne recroise Justin. A croire qu'il avait demandé explicitement de ne pas lui donner de discours à écrire. Bien qu'apparemment cela était du uniquement du ressort de Noémie Dumont. Celle-ci même lui annonça bientôt qu'elle accompagnerait la délégation dans un déplacement au coeur des Lanaudières, à seulement deux heures de Montréal. Une parc naturel protégé était sur le point d'ouvrir et le PM était l'invité d'honneur.

En attendant, Bénédicte tentait tant bien que mal de changer les idées de Gaïa en l'invitant À boire des verres, voir des expositions, des concerts... Lui présentant même des amis de son chum. Mais l'esprit embrumé de Gaïa ne naviguait que sur les eaux troubles des yeux iroises du PM.

La neige avait fondu, le soleil prenait petit à petit place dans le ciel Canadien. Le mois d'avril touchait à sa fin. Un temps magnifique les accueillit dans la région des Lanaudières, après l'ignorance monumentale que lui avait décerné le Premier ministre dans l'avion qui les amenait à destination.