Chapitre 8

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Le gala

Les jours qui suivirent, les interventions du Premier ministre se firent plus rares, dans un court moment d'accalmie. Son allocution de pardon faisait la une des journaux et occupaient la couverture médiatique principale.

La mi décembre arriva à grand pas, et avec elle, toujours plus de neige, mais surtout, ce que préférait Gaïa, l'ambiance de Noël. La capitale s'était parée de myriades d'illuminations et de sapins vert. Les chorales prenaient place dans la rue, l'odeur de marron chaud se diffusait, gourmande, au carrefour des avenues. Les poinsettias et guirlandes de sapin aux boules de houx rouges décoraient les devantures des pubs. Un sapin scandaleusement grand avait été installé dans le porche de l'édifice Langevin et accueillait les collaborateurs du Premier ministre dans une gaité et une candeur propre à Noël. L'atmosphère de fête envahissait peu à peu Ottawa, et avec elle, la jeune femme qui, bien qu'étant ravie de cette période, redoutait de passer son premier Noël loin de sa famille.

Le 20 décembre, la tradition voulait qu'une soirée de fin d'année soit organisée par le chef du gouvernement pour remercier son Cabinet et son équipe du travail effectué tout au long de l'année. A cette occasion le Fairmont château hôtel d'Ottawa, ou plus communément appelé Château Laurier, avait été réservé. Niché en haut d'une petite colline partiellement entouré de la rivière des Outaouais, l'immense bâtisse aux allure empruntées au château médiéval et au style Empire trônait majestueusement dans le décor de la capitale.

Accompagnée de Bénédicte, Gaïa monta les marches de l'édifice imposant, inscrivant chaque instant dans sa mémoire. La vue illuminée de la capitale, les costumes apprêtés des hommes en noir, les cascades de bijoux de leurs femmes... Les invités ne semblaient pas avoir lésiné sur l'apparence. Mais ce n'était rien comparé à l'opulence des entrailles du Château Laurier. Des dalles de marbres vernies accueillirent les escarpins sombres de la jeune femme, au moment au son regard fut cueilli par les éléphantesques lustres chatoyants disposés sur la longueur du hall d'entrée. En face de chaque lustre, des chapiteaux de colonnes offraient un passage vers d'autres salles, toutes aussi éclatantes les unes des autres. Et, entre chaque arabesques de pierre, des miroirs dorés reflétaient les passants. Certains s'y miraient passagèrement pour s'assurer de la tenue correcte de leur cravate. D'autre s'y arrêtaient, curieux, observant leur propre pantomime. Une tignasse brune happa le regard de Gaïa, éblouie par tant de splendeurs. Son reflet s'imprima à son tour à travers la glace alors qu'elle ôtait avec précaution son manteau. Bénédicte l'avait invité à porter sa plus belle robe pour la soirée. N'ayant rien amené de précieux et de très habillé, Gaïa avait été obligé de se rendre en boutique pour avoir quelque chose à se mettre sur le corps qui fasse l'affaire. Sa robe trapèze aux épaules tombantes ondula légèrement lorsqu'elle tournoya pour enlever la seconde manche de sa veste et ses reflets verts émeraudes se parèrent de la lumière chaude des lustres. Sa bouche, peinte dans un bordeaux profond, lui sourit. Elle avait relevé ses cheveux dans un chignon négligé, dévoilant sa nuque pâle. Le reflet lui renvoya l'image d'une personne qu'elle ne connaissait pas bien.

Bénédicte l'entraîna dans la salle principale où un orchestre étaient en train de jouer sur une petite estrade, entre deux fenêtres gigantesques. Une moquette aux motifs ovales et fleuris amortissait les pas des invités, pendant que des serveurs flânait entre eux pour leur proposer une coupe de champagne ou des petits-fours.

Gaïa siffla d'admiration malgré elle. La salle au plafond bleu pastel garnis de nuage poudreux et aux colonnes de marbre rose lui fit immédiatement penser au boudoir du petit Trianon de Marie-Antoinette à Versailles.

« Pas mal hein!, commenta Bénédicte dans un sourire ravi. Elle attrapa à la volée deux coupes de champagne et en tendit une à Gaïa. Bon, là, tu as tout le gratin. Les ministres, les sénateurs, les députés, les secrétaires... Tiens, regarde, elle, c'est la ministre des Finances, Freeland. Qu'est-ce qu'elle est fesse-mathieu celle-là... un vrai cadeau pour le job! ». La jeune française pouffa avec elle. Impressionnée par tout cet apparat et ces gens haut-placés autour d'elle, elle ne pouvait s'empêcher de questionner la légitimité de sa place. A côté d'elle, sa collègue rayonnait dans sa longue robe bustier carmin. Ses interminables cheveux de jais tombaient en boucles sur ses épaules et le creux de son dos. C'était la première fois que Gaïa voyait sa longueur libérée. Bennett, Leblanc, Duclos, Garneau, Bibeau, Joly, Hussen, Rodriguez... Rosanvallon. Tous le Cabinet était présent. Ce dernier, en train de discuter avec la ministre du patrimoine, Mélanie Joly, s'aperçut de la présence de Gaïa et Bénédicte. Il prit congé de sa collègue et traversa les quelques mètres qui les séparaient avec une extrême aisance. On aurait dit qu'il flottait. Ses gestes, gracieux et précis étaient bâtis du bois de ce monde. Ses cheveux blonds parfaitement coiffés dans un mouvement aérien, tombaient sur la nuque et rencontrait le col remonté de sa veste de costume noire. Rasé de près, Louis les rejoignit un sourire rayonnant aux lèvres.

L'Etat et toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant