Achève-moi

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Le dernier soleil s'éleva dans le ciel, illuminant la Transylvanie d'une couleur rosée. Ce fut un jour exceptionnel, car aucun nuage ne voila l'étoile jaune.

Un si beau jour, pour un si triste moment.

Mes yeux rivés vers le ciel, derrière cette fenêtre, se rappelèrent soudain un poème de Victor Hugo. Étrangement, je me sentais apaisée. Après tout, c'était un nouveau départ qui m'attendait, la promesse d'un avenir meilleur. J'avais fini par accepter ce futur, après tout, Prêmélas m'avait promis le Bonheur.
Je me demandai quoi faire de cette journée, en craignant l'instant des derniers adieux. C'était un mal pour un bien.
Je savais cependant que faire traîner cette affaire nous ferait souffrir l'un comme l'autre. Ewan n'attendrait pas les douze coups de minuit pour s'en partir à jamais.

Si je ne perds pas la mémoire, j'écrirai peut-être un livre, qui sait. Ma vie est une grande aventure qui aurait pû plaire à des lecs.

Je souris avec une certaine mélancolie, avant de me détourner de la fenêtre. Quand le prince partira, resterai-je dans ce manoir - totalement illégalement - ou partirai-je je-ne-sais-où ? Si je me réveillais un matin sans me souvenir de la veille ni de l'endroit où je suis, que ferais-je ?
Je rentrerai probablement en France. Mais sans argent ? Je demanderai sans doute l'hospitalité.
Ma malédiction sera levée de toute manière, je serai libre d'aller où bon me semble.

Paris, Tokyo, Moscou, New-York, Sydney, Le Caire, Québec...

Les visiterai-je ?

Je pris doucement la poupée de chiffon qu'Ewan avait confectionné pour moi, et l'admirai encore. C'était une preuve d'affection indéniable. Je la posai à côté de mon journal intime, que j'avais fermé, puis me réactivai à trier mes habits. En réalité, tout appartenait au monarque, cependant il m'avait tout offert dans un souci de patience. De toute façon, il n'allait pas mettre des vêtements de femme, et il ne ramènerait pas grand chose dans son royaume. Je choisissais donc ce que je préférais pour faire ma valise. Au moins, je partirai avec quelque chose. Toutefois, je m'étais fermement opposée à l'idée qu'il me donne de l'argent, bien qu'il m'ait soutenu n'en avoir aucunement besoin chez lui. C'était tout simplement impensable !
Je ferai tout de même attention à ma valise avant qu'il ne parte car il serait capable de me glisser des billets sans mon autorisation !

Le prince m'avait prévenue que les lignes de mon journal s'effaceront lorsqu'il partirait, ainsi, il était inutile de m'écrire un mot pour moi-même afin de me dire que les habits m'appartiennent ou autre chose de ce genre. Il fallait simplement compter sur mon bon sens.

Espérons que j'en ai un !

Une fois que tous mes vêtements préférés furent pliés en quatre, je m'installe sur mon lit pour prendre le livre de Judicaël, posé sur mon guéridon. Avec toutes ces péripéties, je n'avais pas eu le temps de lire l'ouvrage. Je regardai l'heure. Huit heures moins le quart. J'avais encore un peu de temps avant de descendre. J'inspire, puis commençai ma lecture :

"Le prince Ewan m'a tendu l'uniforme aujourd'hui. Je crois ne jamais m'être sentis aussi ému ! J'aurai aimé que ma mère soit là pour être fière de ce que j'ai accompli. Malheureusement, nous ne choisissons pas notre sort. Être accompagné de ma sœur et de mon professeur en cette nuit si spéciale, c'est déjà beaucoup pour le minable démon que je suis..."

***

Je descendis les marches du manoir tranquillement, vêtue d'une robe bleu clair et de chaussures assorties.
C'était la première tenue que j'avais portée en arrivant dans le manoir Don Valliery. Tout cela était symbolique.
Je me fis un petit déjeuner simplet, en tête à tête avec moi-même car le Kaïm n'était pas là. N'ayant pas envie de faire une grande table, je mange debout dans la cuisine, l'esprit serein mais le cœur lourd.
Une fois mon repas prit, je décidai de descendre à la bibliothèque pour emprunter quelques ouvrages au maître du manoir lors de mon retour en France. Il ne fallait pas que j'oublie de lui rendre le journal de Judicaël, car il l'emménerait probablement en Enfer. Après avoir sélectionné trois livres qui me parurent intéressants, je remontai dans ma chambre pour les mettre avec ma valise.

Le Grimoire Maudit D'Ewan Don VallieryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant