Le Grimoire Maudit D'Ewan Don Valliery

Souris-moi 🔥

Il y a une tension si forte dans l'air que je sens mon cœur battre à mes tempes. Comme si l'atmosphère était devenue palpable mes doigts frémissent sur les couvertures, caressant avec crainte ce voile aux desseins funestes. Il y a quelques secondes à peine, je brûlais de savoir toute la vérité, mais à présent, alors que mes yeux sondent les prunelles ardentes d'Ewan, je doute, ou redoute pour être exact. Son visage d'albâtre taillé avec tant de finesse semble dur, quasi froid. Dans sa posture stricte : bras serrés sur le torse et mâchoires crispées, il me fut difficile de savoir s'il en avait après moi ou s'il était en colère contre autre chose. Incapable d'émettre un son par douleur ou angoisse, je ne pus que le regarder marcher d'un pas frustré vers la fenêtre de la chambre. De mon lit, son profil face aux rayons lunaires et sa carrure en demi-teinte lui donnaient un aspect encore plus sombre. Je craignais ses paroles comme un enfant redoute le tonnerre. Serais-je victime ou témoin de la foudre ?

- Je projette d'organiser un bal, dimanche, déclara-t-il enfin d'un ton inadéquat, me prenant au dépourvu.

Ses mots ressemblaient à une diversion pour m'écarter du sujet principal, cependant, ils se noyèrent aussitôt entre ses lèvres contractées comme si ses pensées moroses avaient eu raison de ses artifices.

- Votre frère... Il a voulu me tuer... Fis-je d'une voix éraillée pour lui rappeler la gravité de la situation.

Ses paupières se ferment tandis qu'il cherche la façon la plus sage d'articuler une réponse. Dans son esprit se jouaient divers combats tous plus difficiles les uns que les autres. Sous quel angle devait-il aborder le drame ?

- Tu me lances sur un sujet épineux et personnellement afflictif, commença-t-il.

- Je pense... être en droit de savoir... Murmurai-je en retour.

Le seigneur, dont les iris menaient une guerre contre les fantômes du passé, entrouvrit plusieurs fois les lèvres pour formuler une phrase, qui, à chaque nouvelle tentative, se perdait en chemin avant même d'être prononcée. Sûrement parce qu'il se rendit compte que le plus simple était de débuter par un constat logique avant de peaufiner les détails, il se lança de cette façon :

- J'ai des relations très tendues avec ma famille. Mes frères et moi avons beaucoup de mal à nous entendre au point que cela tourne à la rivalité. Je ne serais même pas surpris d'apprendre qu'un autre membre de ma fratrie vienne t'agresser un jour ou l'autre, rit-il jaune.

Une pointe de regret était perceptible dans sa voix. Soudain, je remarquai qu'Ewan avait une approche différente de l'ordinaire : il avait délaissé l'arrogance du monarque et la légèreté de sa jeunesse pour une expression plus sérieuse. Il ne plaçait pas le surnom « trésor » à tout va mais me faisait part de sa vie personnelle avec, certes, quelques réticences, toutefois, cela se faisait avec une grande pudeur ! En y réfléchissant bien, c'est la première fois qu'il me parle intimement de sa vie. Je l'encourageai donc à m'en dire plus, prenant garde néanmoins à ne pas être trop pressante. Sous mes impulsions, il céda progressivement, une mine toujours plus obscure chaque seconde.

- Ce n'est pas une très belle histoire, se dut-il de me prévenir.

- La mienne non plus, lui rappelai-je dans l'espoir de le mettre en confiance.

Je voulais tellement connaître cet homme à l'aura mystérieuse, la prétention captivante, la beauté irréelle, mais par la même occasion, au charisme si intimidant ! Quels sombres secrets se cachaient derrière ce visage à l'expression trop parfaite ? Je me surprenais parfois à songer que cette facette trop polie était un masque. Dans ces moments-là, je le voyais sur son bureau en train de rédiger des lettres macabres avec un sourire assoiffé de vengeance ou encore en train de rire de façon psychotique en plantant des aiguilles dans une poupée de chiffon. Bien sûr, il ne s'agissait que de mes chimères, tout ceci n'était que le reflet des démons qui me hantaient depuis ma plus tendre enfance, n'est-ce pas ? Sa chevelure infernale qui fascinait mon regard avait l'air de me menacer en silence...