Le Grimoire Maudit D'Ewan Don Valliery

Afflige-moi

Yami, fille de Satan.

Yami est une femme mystérieuse que personne n'a jamais su comprendre, son passé est inconnu, son présent est solitaire, son futur est incertain. Pas même le Destin ne sait lire au fond de ses grands yeux marron. Rares sont ceux qui ont entendu le son de sa voix : elle vit dans un monde silencieux, loin de nous. Elle s'habille en gothique, entièrement revêtu de la couleur du deuil, un loup de dentelle sur son visage. Elle tient toujours une grande ombrelle au dessus de sa tête.
Personne n'a jamais su pourquoi.
Seuls ses cheveux d'un étrange dégradé bleu obscure attiraient les regards sur sa personne .
Ce que le monde sait d'elle est infime : un jour, le souverain de la Géhenne est parti en expédition dans son royaume, comme il en avait l'habitude, puis il est revenu avec un bébé entre les bras, affirmant qu'il s'agissait de son enfant.

Personne ne sut qui était sa mère, et ce qu'il s'était passé. Yami était une fille muette, de plus, son père garda le silence sur cette histoire.

Satan laissa l'enfant vivre seule, éloignée de tout, dans le palais du Comte Aaron, qui lui était des plus fidèle, et là où aucun démon n'irait chercher un nom sur la figure maternelle de la jeune fille. Puis il annonça que celle-ci ne viendrait jamais à monter sur le trône.

On ne se souçia donc plus beaucoup de l'enfant, et personne ne sut qui était la mystérieuse femme ayant réussi à concevoir l'enfant du Diable en personne.

~ ~ ~ ~ ~

J'étais à quatre pattes sur le plancher, en train de chercher ma dague, quand je m'aperçus qu'elle n'était plus là.
Rapidement, tous les pires scénarios possibles se formèrent dans mon esprit. L'idée qu'Ewan ait pris conscience de mes plans me terrifia. Ma première réaction fut de rester immobile sur le sol, en essayant de me calmer. Mais je dois vous avouer que ça ne m'a pas beaucoup avancé.
Je me redressai rapidement en tapant du pieds de frustration. Pourquoi rien de bien ne pouvais m'arriver ?
Je me laissai glisser contre le lit, pour tomber assise sur le sol. J'entourai mes jambes de mes bras en y déposant ma tête.

Et voilà, j'avais encore tout raté...

Je sortis de ma poche le flacon d'arsenic et le regardai longuement. Qu'est-ce que je devais faire maintenant ? Attendre qu'Ewan vienne me punir, ou en finir tout de suite, même au risque de tomber dans les Enfers ? Je penchai la fiole de droite à gauche, fixant le liquide d'un vert mystique glisser au rythme de mes mouvements.
Soudain, je sentis l'air environnant devenir lourd et le temps se suspendre. Je fixai les bougies, attendant de les voir s'éteindre comme lorsque le fantôme d'Asraël était venu me rendre visite. Mais c'est un tout autre phénomène qui se produisit, tout aussi glaçant.
La luminosité du manoir entier baissa, alors que les bougies étaient toutes allumées. C'est comme si un épais voile noir se déposait dans la pièce. La nuit elle-même avait une consistance.
Un froid incroyable prit possession du lieu, me faisant trembler de la tête aux pieds, et je sentis le bout de mes doigts s'engourdir à une vitesse fulgurante.
Je jetai un regard sur celles-ci et m'aperçus avec effroi que le flacon que je tenais était devenu invisible - mais je le sentais toujours, il était bel et bien là - et que le poison à l'intérieur était devenu d'un violet foncé très prononcé.
Paniquée, je balayai la chambre du regard, et vis que le bouquet de chrysanthèmes déposé sur ma commode se mettait à faner à vu d'œil. Ses pétales se flétrissaient en prenant une teinte grise sans émotion.

Un lourd silence régnait, bien plus dangereux que tous les autres. Quelque chose d'affreux, une force malveillante, était entrée dans la maison.

C'est alors que la poignée de la porte se mit à tourner très lentement, dans un grincement insupportable. Mon souffle me brûlait, mon cœur cognait férocement dans ma poitrine... Mais je ne pouvais pas bouger. La chose était là, derrière ma porte, et elle m'interdisait tout mouvement...