Le Grimoire Maudit D'Ewan Don Valliery

Effraie-moi

Du sang. Oui, il buvait du sang...

Est-ce que c'est un vampire ?
Non, non, je deviens parano !

Mais... Du sang !

Non c'est mon esprit qui divaguait, je devais être trop fatiguée... Mais pourtant ça y ressemblait grandement, la couleur, la texture, l'odeur, le goût...

Du sang.

Stop, calme-toi Annabelle, tu es dans un rêve, en train de divaguer ! J'avais probablement mangé quelque chose de douteux ce matin, qui me créait des hallucinations olfactives. Oui, c'est ça : j'étais malade.
Je posai la main sur mon front, à la recherche d'une quelconque chaleur inhabituelle, mais tout me paraissait en ordre. Je baissai la tête et remarquai que le liquide rougeâtre s'étalait sur le parquet, comme de macabres rivières.
Je m'accroupis et sentis de nouveau la substance.

Du sang.

J'avais l'impression d'être dans un univers parallèle, en plein dans un cauchemar. C'est comme si mon cerveau refusait d'assimiler l'inévitable.

Du sang.

La preuve était pourtant là , sous mes yeux innocents et naïfs.
Mais non, c'était impensable. Bien sûr je savais qu'Ewan était un étrange personnage, cachant de lourds secrets : c'était indéniable. Il avait même ordonné l'homicide d'une femme dans ma salle de bain !
Mais rien ne touchait au "surnaturel" de près ou de loin. Ce n'est pas parce que l'on vit dans un manoir à la décoration victorienne et qu'on opte pour cet ancien mode de vie que l'on devient automatiquement une créature des ténèbres, sortie tout droit d'un roman ! J'avais juste du trop lire d'histoires fantastiques, et ça me montait au cerveau.
Il y avait une explication rationnelle à toute cette histoire, c'était un immense quiproquo qui cachait de très bonnes intentions : un don aux hôpitaux ou je-ne-sais-quoi d'autre...

C'est fou comme notre esprit peut nous emporter dans des suppositions aussi absurdes pour se voiler la face.

Mais reste qu'une chose était sûre : il buvait du sang.

Peut-être avait-il eu un grave accident dans son enfance qui l'obligeait à recevoir des transfusions ?
Oui mais justement : des transfusions !
Depuis quand ça se boit ?

Toute cette histoire me donnait la migraine, et je dus me retenir à la table pour ne pas tomber. C'est ainsi que je m'aperçus à quelle point mes jambes tremblaient, et que je tenais toujours fermement dans ma main la bouteille en verre. Je l'agrippai si fort que la jointure de mes doigts avait jauni, et que je ne ressentais plus aucune sensation dans celle-ci. Je n'étais pas certaine de réussir à desserrer mon emprise.
Est-ce que j'étais si effrayée que cela ?
Déjà, je ne l'avais pas fait tomber par terre, ça m'éviterait de devoir me justifier sur l'éventuelle disparition de l'objet.
Maintenant, j'allais devoir me dépêcher de tout nettoyer, et de tout remettre à sa place, en quatrième vitesse.

En premier temps je décidai de reposer la carafe dans le buffet - ce qui fut assez difficile à cause de mon degré élevé d'adrénaline - et de bien tout remettre comme avant.
J'étais parcourue de tremblements irrépressibles qui me compliquaient la tâche, mais il m'était impossible de les arrêter.
Une fois cela fait, je refermai le meuble sans la clef, pour bien faire comme à l'origine - et de toute façon je ne l'avais pas - et me remis au milieu de la pièce pour réfléchir à la seconde partie de mon plan.
Il fallait que je trouve de quoi nettoyer tout ça sans que Judicaël, le super-majordome, ne s'en aperçoive. Mais voilà : c'est lui qui savait où se trouvait le matériel ménager, et si je lui demandais, il trouverait tout de suite ça étrange, puisque je ne nettoie jamais rien. Refuser de lui répondre serait suspect, et en plus de cela, il y avait une très forte probabilité pour qu'il décide de s'en charger lui-même, sous prétexte qu'il s'agirait de son travail.
Soit il me sermonnerait pour ce que j'ai fait, soit il me tuerait parce que j'ai trempé dans une grosse magouille, et dans tous les cas, il tiendrait son maître au courant des faits. Et ça, c'était inenvisageable.