Brise-moi 🔥

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Ewan sait.

Des cris lointains viennent troubler mon sommeil. Mon cœur bat fort. J’ai peur. Qui m’appelle ? En fait, je suis terrifiée d’être ainsi démunie. Il fait noir. J’ai l’impression de tomber. Dans l’obscurité qui m’entoure des pas s’approchent, me menacent ; je frissonne. Est-ce que je dors, est-ce que je meurs ? Je tente en vain de me souvenir, cherchant la faille qui ramènera la lumière. Toutefois, c’est inutile… Comme si je me noyais dans les profondeurs d’un océan inconnu, je me débats, hurle, essaie d’apercevoir un signe familier, mais l’évidence est là : je ne suis nulle part d’autre que dans ma tête. Des flashs se font, je cligne des yeux. Soudain, un incendie embrase les ténèbres, me consume, disparaît. Un enfant cri. Où est-il ? La silhouette d’une femme s’approche sans devenir nette, ses lèvres articulent mon prénom. Que veut-elle ? D’une simple bourrasque, elle se retrouve effacée. Un homme se dessine sous la lueur d’un éclair orangé : il sourit. Une courbe perverse, malsaine. Je tremble d’effroi ; il se volatilise.

Il est difficile de vous décrire ce qu’il se passe : ce genre de transe cauchemardesque me prend régulièrement et me terrifie. Depuis quand, d’ailleurs ? Je ne saurais le dire. Pour être honnête, je ne me rappelle absolument rien de mon enfance, il y a comme un trou béant dans ma mémoire. Qui m’a volé mon passé ? Que m’est-il arrivé ? Je n’en sais rien. Recroquevillée dans un coin à même le sol, agitée de spasmes incontrôlables, je sais qu’il va revenir me hanter. Qui ? Je ne le discerne pas réellement, comment vous répondre ?

Il sait.

Des livres s’ouvrent, de la poussière vole. Je secoue la tête, essayant de me sortir de ce piège. Rien n’y fait : de la lumière jaillit, le cuir craquelé glisse sous ma peau avant de s’ouvrir brusquement. On m’aspire, je résiste. Le noir. Dans une pièce assombrie, à la lueur de chandelles vacillantes, je l’aperçois. Son souffle est régulier, son expression suffisante.

Il sait.

Je revois toujours les mêmes scènes, parfois dans un ordre qui varie. Mon esprit est tourmenté par une force étrangère et je ne saurais expliquer l’origine de ce maléfice. Affolée comme un animal, mes doigts serrent la lame couverte de sang contre ma paume. Cette main tremble, à l’idée de ce qu’elle va encore faire… Néanmoins, c’est la seule façon que j’ai trouvé pour rester sur Terre. La douleur me réveille, l’odeur métallique sent plus fort que son parfum. Je suis vivante. Encore. Mais pour combien de temps ? Il prend le contrôle de mon âme comme si cela était naturel, il me murmure des paroles inintelligibles à l’oreille… Je secoue la tête, faisant voler mes cheveux noirs dans tous les sens. Quelques mèches colorées d’un rouge profond viennent apporter une touche horrifique à mon tableau monstrueux. Les larmes brûlent mon visage, mes sanglots résonnent. Qui pourra me sauver de cet enfer ? Qui m’arrachera de ses griffes ? Le scalpel m’entaille, je me mords la lèvre jusqu’au sang, cherchant péniblement comment fuir.

Il sait.

Des cheveux roux volaient dans le vent comme des flammes nocturnes. Bras croisés sur son torse, les joues rafraîchies par l’air de la nuit, l’homme se tenait debout sous les rayons de la lune. Il fixait la ville de son regard ambré comme on admire un butin. Parce qu’il le méritait. Cette phrase le fit sourire. Il ferma les paupières, totalement satisfait, avant d’humecter ses lèvres d’un carmin enivrant. Il était magnifique et le savait. Tellement de perfection réunie en un être, comment avait-on pu l’oublier ? L’homme chassa rapidement ces pensées néfastes de son esprit. Le sujet était encore difficile à aborder, sans doute trop récent et trop douloureux pour qu’il se badine lui-même avec.

Un cadavre d’une blancheur morbide gisait à ses pieds. La fille d’à peine quinze ans qui venait de trouver la mort regardait de ses prunelles vides le visage si séduisant de son bourreau. Ses traits si pacifiques garderaient pour toujours ce rictus d’épouvante caractéristique. L’assassin à la crinière de cuivre ne lui accorda plus aucune importance. Il fixait l’horizon comme un conquérant tandis que le vent venait s’engouffrer sous la veste noir de son trois pièces impeccable. Que d’élégance ! Quand on le voyait, on se disait que le monde était atrocement injuste. Et c’est indéniable !

Le Grimoire Maudit D'Ewan Don VallieryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant