Écoute-moi 🔥

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Je dormis profondément, rêvant de choses sans réelles importances, jusqu'à ce que tout devienne noir. Une force invisible bâillonnât mon esprit pour me jeter dans le Néant. Prise de panique dans cet univers sans réelles dimensions, je me débattis et tentai de me réveiller en vain. Sans véritables mesure de temps, il me fut impossible d'imaginer la durée de ce cauchemar qui me parut éternel.

Je me suis réveillée comme chaque matin, sans me souvenir du pays de mes rêves. Allongée dans mon immense lit toute habillée, je remarquai qu'il était déjà dix heures sur l'horloge accrochée au mur. J'avais le sentiment que ma tête était lourde et je compris que l'alcool y était probablement pour quelque chose ! Je me souvins avoir couvert d'éloges Don Ewan sur le chemin, et cette constatation fut très embarrassante. Comment pourrais-je l'affronter maintenant ? J'enfouis mon visage dans mon oreiller, honteuse de ma propre faiblesse. L'envie me dévorait de paresser dans mes nouveaux draps, mais se lever à dix heures le premier matin était à la limite de l'indécence. Mi-figue mi-raisin, je partis me laver dans la salle de bain attenante. En voyant mon reflet dans le miroir j'eus de la peine : mon corps était encore couvert d'hématomes et ma tête marquée de blessures. On ne peut pas dire que ma vie soit de tout repos, soupirai-je. De nouveau morose, j'entrai dans la grande douche pour méditer sur tous les changements que je venais de vivre. C'était à devenir fou ! Finalement, je me séchai et choisis de mettre une jupe longue bleue avec un chemisier blanc. En sortant de la chambre je fus prise d'un mauvais pressentiment. L'atmosphère était anormalement lourde, l'air étrangement oppressant, tandis qu'un mystérieux silence pesait dans la maison. Bien sûr, ça n'aurait pas dû m'étonner puisque nous n'étions pas nombreux à habiter le manoir, mais quelque chose continuait de me mettre en garde. Contre quoi, cependant ? Je décidai de partir prendre le petit-déjeuner sans savoir si j'allais avoir le privilège de croiser le magnifiquement mystérieux maître de la résidence.

Je compris tout de suite que quelque chose n'allait pas lorsque je pénétrai dans la salle à manger. Ewan était assis sur une chaise, les sourcils excessivement froncés, avec une expression colérique qui m'était totalement inconnue. Il jouait avec un couteau dont il frappait la pointe sur le bois de la table avec hargne. On aurait presque l'impression qu'il s'entraînait à tuer quelqu'un ! Le bruit répétitif de la lame sur la table avait quelque chose de particulièrement anxiogène...

— Quelque chose ne va pas ? Lui demandai-je d'une petite voix.

La question était autrement plus stupide que je connaissais déjà la réponse. Il suffisait simplement de le regarder pour deviner qu'il était d'une humeur massacrante !

Il leva ses yeux ambrés dans ma direction et me foudroya du regard, clairement agacé que j'ai interrompu le cours de ses pensées meurtrières. Je pensais qu'il allait me jeter le premier objet à portée de main - son couteau entre-autre - quand finalement, il détourna ses iris pour me répondre :

— J'ai eu une nuit difficile.

Il se remit à poignarder le pauvre meuble. Étant la première à connaître les effets dévastateurs de l'insomnie, je voulus le réconforter :

— La nuit prochaine sera meilleure, j'en suis certaine !

Il releva un regard exaspéré vers moi. Qu'avais-je dit de mal placé ? Après être resté silencieux, il m'accorda une réponse :

— Il y a intérêt, fulmina-t-il.

Je me demandai si Ewan était insomniaque. Après tout, chacun a ses défauts et il est vrai qu'une nuit sans dormir met de mauvais poil ! Pauvre de moi, j'étais loin d'imaginer que mon droit de vie venait de se jouer cette nuit... Je m'assis docilement en trouvant préférable de ne pas trop déranger Ewan. La table n'était pas mise - il n'y avait qu'un verre vide devant mon hôte - et j'en conclus que le seigneur de Transylvanie n'était probablement pas d'humeur à manger.

Le Grimoire Maudit D'Ewan Don VallieryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant