Surprends-moi

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J'ai appris quelque chose d'important aujourd'hui : je ne peux compter que sur moi-même. Aucun ange ne peux m'accorder la rédemption, aucun spectre ne m'apportera la vérité, aucune autre créature ne viendra m'aider pour telle que je suis.

Car je suis, et resterai, seule pour toujours.

J'étais assise dans la neige, le froid me paralysant entièrement. Il me fallait juste un peu de volonté, pour me relever et retourner dans ma chambre. Mais la volonté de quoi exactement ? De continuer dans ce cercle infernal ? Je me demande pourquoi je le ferais. De me suicider ? À coup sûr je tomberai en Enfer pour me retrouver encore face à Ewan ou un de ses frères dégénérés.
Non, vraiment, qu'est-ce que j'allais bien pouvoir faire ?
S'enfuir serait idiot, ce n'est pas quelques kilomètres qui pourront me sauver de démons.
Lucifer m'avait planté sans état d'âme - de toute façon l'inverse aurait plutôt été surprenant - et je me retrouvai là à ruminer mes idées noires.
Il fallait encore trouver un plan, et comme toujours il allait se solder par un échec. Alors je restai assise, physiquement vivante, moralement détruite. N'y a-t-il vraiment rien qui puisse me sauver ? Me demandais-je intérieurement.

C'est alors qu'un bruissement de feuilles inquiétant vint troubler mon mélodrame. Je levai la tête, ne voyant rien à cause du blizzard, mais distinguai vaguement un mouvement en hauteur. Une ombre fondit sur moi, sortie de nul part !
Je ne bougeai pas, ne criai pas. C'était bien inutile.
La masse attérit juste devant moi, faisant craquer la neige sous ses pieds en se redressant. Je remarquai alors qu'il s'agissait d'un adolescent au style vestimentaire très démodé - costume vert du XVIIIe siècle, perruque blanche poudrée, et des yeux kaléidoscopes beaucoup trop gais pour mon humeur - soit il s'agissait d'un comédien perdu, mais c'était peu probable, soit, avec mon incroyable chance, j'étais encore tombée sur une créature surnaturelle sortie d'un film d'horreur.
D'ailleurs, je me demandai bien ce qu'il fabriquait dans les arbres...
- Bien le bonjour, Annabelle Roseboise ! S'exclama t-il en faisant une révérence théâtrale.
Bon, c'était peut-être un fou échappé de l'asile. Mais comment connaissait-il mon nom ?
- Vous êtes venu me tuer ? Lui demandai-je presque avec espoir.
- Eh non, je viens juste converser ! Rit-il hystériquement.
Ce garçon avait vraiment un problème mentale, c'était certain.
- Vous êtes quoi comme créature exactement, et comment vous appelez-vous ? L'interrogeai-je, suspicieuse.
- Shhh, pas si vite petit papillon ! S'amusa t-il en posant son index sur ses lèvres.
Il s'accroupit pour arriver à ma hauteur et me dit sur le ton de la confidence :
- Moi, c'est Prêmélas, mais tu peux m'appeler Prêm', c'est vraiment long comme prénom ! Et tutoie-moi, j'ai l'impression d'être aussi vieux que Lucie quand on me vouvoie ! Se plaint-il encore
- Lucie ? Fis-je incrédule.
- Lucifer voyons ! Il est d'enfer ce surnom ! S'écria t-il, hilare de son mauvais jeu de mots.
Je faillis presque sourire. Il fallait avouer que personne n'avait été aussi léger avec moi que ce garçon. Mais rapidement mes peurs refirent surface : et si c'était encore un piège d'Ewan ?
- N'est crainte, petit papillon, je ne suis aux ordres de personne : je ne suis ni un démon, ni un ange ! Répondit-il à mes pensées muettes.
Attendez, comment savait-il que...
- Je suis télépathe. Sourit-il malicieusement.
J'ouvris des yeux ronds comme des soucoupes. Vous ne savez pas l'effet que ça fait de savoir que quelqu'un peut lire n'importe laquelle de vos pensées, même les plus inavouables !
- Q-qu'est-ce que tu veux ? Lui demandai-je gênée.
Il me fit alors un tour de magie en posant sur la neige, du côté droit, une carte de tarot.
- Retourne-la, petit papillon. M'encouragea-t-il.
D'une main gelée, je la retournai en tremblant.

Je levai un regard suspicieux sue mon interlocuteur qui tapait énergiquement dans ses mains.
- Qu'est-ce que cela signifie ? Murmurai-je.
- Beaucoup de choses ! Me répondit l'adolescent.
- Est-ce que... Elle annonce du bonheur en amour ? Me risquai-je.
Finalement, l'Omniscient accepta de m'offrir de ses savoirs avec un petit cours particulier :
- "L'amoureux" peut indiquer un profond amour, voire même un mariage. Il désigne plusieurs manières possibles pour aborder une relation : l'honnêteté, la fidélité, les amants, ou à l'inverse, le banal, le transitoire et l'ennuie. C'est une carte qui représente logiquement l'amour et la sensualité. Un ange bénit l'union de deux personnes, qui indique que nous voulons une relation forte et durable. Malheureusement, ce tirage peut impliquer un choix entre deux amours, une rupture ou une nouvelle union. Mais elle peut aussi représenter les conflits internes d'une personne quand elle doit décider entre le bien et le mal.
Il me regarda avec des yeux remplis de sérieux pour s'assurer que je suivais bien.
- Je crois que je comprends l'ensemble. Lui dis-je.
Il poursuivit donc :
- Si cette carte apparaît sur le côté gauche du tirage, elle symbolise le côté de l'amour, l'attirance physique, la sensibilité et l'union entre les couples, les tentations et les complications sentimentales.
Il s'arrêta quelque instants avant d'ajouter :
- Si la carte est tombée du côté droit, elle peut indiquer un mariage brisé, un divorce, une séparation, une rupture, voire dans certains cas une tentation dangereuse.
Les mots qui définissent cette carte sont les suivants : couples, essais, choix, libre arbitre. Conclut-il.
Je l'accusai alors :
- Tu m'as fait tout ce charabia pour me dire que je n'avais pas de chance ? Déprimai-je.
- Tu ne cherches pas l'amour d'Ewan, petit papillon. Tu veux te libérer de lui. Peut-être que la séparation et ta meilleure option. Me proposa t-il.
- Alors... C'est positif ? Lui demandai-je.
- Attention, je n'ai pas dit qu'elle s'adressait à toi. Fit-il énigmatiquement.
Je soupirai, lasse de tous ces faux espoirs. Il ne fallait pas s'accrocher, je l'avais bien apprit à force ! Toujours aussi insaisissable, le jeune garçon en face de moi ramassa l'objet qui était déjà recouvert d'un léger voile blanc, et sautilla sur ses pieds.
- J'ai faim ! S'exclama t-il comme un gosse en me regardant comme un mendiant.
Je compris tout de suite ce qu'il désirait, mais hélas, j'étais trop faible pour me lever.
- C'est dangereux là-dedans, tu sais. L'informai-je. Mais si vraiment tu y tiens tu peux entrer.
J'allais m'endormir dans ce doux duvet pour ne jamais plus me réveiller. Voilà, c'est ce que j'allais faire.
Prêmélas grimaça et s'offusqua :
- Tu ne vas pas rester ici comme une moins que rien ! Allez, lève-toi !
Cependant, je ne pouvais même pas bouger, mon esprit se refusait à tout. Décidé, l'adolescent saisit mes poignets et me releva sans aucun soucis, comme si j'étais une plume. Je le regardai, choquée. Il n'avait pas pu me soulever seul !
- Je me suis simplement adressé à ton esprit en lui ordonnant de se mettre debout et de me suivre. Maintenant tu n'as même plus à réfléchir : tu vas avancer toute seule ! S'excita t-il joyeusement.
Et il partit en direction du manoir en trottinant. Et, aussi incroyable et déroutant que cela puisse paraître, mon corps s'auto-gérait ! C'est un peu comme si on m'avait mis dans une armure autonome et que j'étais une simple spectatrice. C'était... Effrayant !
Nous entrâmes donc au chaud, et pour la première fois, j'éprouvai du plaisir à rentrer ici. Comme il faisait bon !

Le Grimoire Maudit D'Ewan Don VallieryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant