Punis-moi 🔥

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Les premières tensions entre Ewan et moi s'étaient révélées. Nos idéaux sur certains sujets étaient totalement opposés, voire rivaux. Le seigneur de Transylvanie n'était, à mes yeux, plus cet homme parfait. Il avait un côté cruel, sadique et prétentieux, et j'en vins à la conclusion qu'il n'était peut-être pas le sauveur que j'attendais depuis si longtemps. Néanmoins, bien que je fus victime d'une terrible désillusion, je devais reconnaître qu'il n'était pas le pire de mes soucis. Je lui devais tout de même la vie puisqu'il est évident que ma sœur et son époux m'auraient tuée si le monarque n'était pas venu à mon secours. Cependant, un meurtre n'était pas un acte anodin, je gardai ceci dans un coin de mon esprit en déguerpissant hors de la vue du roux enragé. J'étais très en colère contre lui, sans doute parce qu'il me faisait peur. Judicaël n'était pas non plus une personne très accueillante et je compris que mon séjour n'allait pas être de tout repos. Mais qu'avais-je d'autre, me demandai-je alors ? Malgré la nonchalance avec laquelle les hôtes m'avaient parlée de leur implication dans un assassinat, je voulais rester raisonnable en me répétant qu'il s'agissait d'un crime impardonnable. Néanmoins, si je restais en froid avec le maître du manoir, mon avenir n'était-il pas fini ?

Je réfléchis sur le chemin : qui était réellement Ewan sous ses airs de gentleman au grand cœur ? Une fois de retour dans ma chambre je fis cette technique - totalement inutile - que font toutes les personnes ayant vu une chose suspecte : c'est-à-dire que je marchais sur la pointe des pieds en lançant des regards dans tous les recoins de la pièce ! À mon grand soulagement je ne me retrouvai pas face au fantôme d'Asraël et je pus m'écrouler sur le lit. Cette journée avait décidément été beaucoup trop longue et éprouvante pour mes nerfs... Je me mis en tenue de soirée dans la chambre, bien trop peureuse pour retourner dans la salle de bain - oui j'ai eu la bonne idée en m'enfuyant de la salle d'eau un peu plus tôt de prendre mes habits nocturnes sous le bras et de les jeter sur le sol ! En me mettant sous les couvertures, je ne réussis pas à trouver le sommeil rapidement. Mes pensées étaient tourmentées par la scène qui venait de se dérouler, j'étais tiraillée par l'idée d'être rancunière et celle de pardonner le souverain afin que mon existence ne tourne pas au drame. Ma nuit fut terriblement agitée contrairement à la précédente. Non seulement parce que j'avais la crainte omniprésente qu'un fantôme vienne me scruter durant mon sommeil, mais aussi parce que je ne savais pas ce qui allait m'attendre le lendemain. Impossible que le Don me laisse m'en tirer à si bon compte alors qu'il était dans une fureur noire ! Il m'avait d'ailleurs congédiée en sous-entendant clairement qu'il allait me faire passer un sale quart-d'heure pour lui avoir tenu tête : « Va-t-en, nous terminerons cette conversation au petit-déjeuner prochain » !

Lorsque j'ouvris les yeux, ses mots ressurgirent dans mon esprit comme une bombe. Je me levai à contre-cœur en tapant des pieds. Mon irritation de la veille s'était tarie sans pour autant disparaître. Je lui en voulais pour s'être montré si odieux envers la sœur de son majordome et envers moi. Toutefois, je n'étais pas assez folle pour me cloîtrer ici et rater le repas, cet acte de provocation enfantin le ferait sortir de ses gonds à coup sûr et mon sort n'en serait de plus funeste ! Je m'habillai à la va-vite sans aucun effort, consciente que je m'étais déjà réveillée tard. Agacée de tout, je balançai finalement ma brosse quelque part après m'être combattue contre des nœuds solides. Je serrai les poings avant de sortir rejoindre mon bourreau.

J'ouvris la porte de la salle à la volée, un peu trop dans mes réflexions furibondes.

- Cessez de claquer les portes du manoir, mademoiselle, elles ne vous ont rien fait à ce que je sache, me critiqua une voix très irritante à peine mis-je un pied dans la pièce.

Je remarquai alors à mon plus grand désespoir que Judicaël avait aussi été convoqué. Son regard froid et ses remontrances ne m'avaient pas manquée depuis la veille ; de plus, il faut dire que je n'étais absolument pas d'humeur ce matin... Il était debout près du mur gauche, droit et élégant dans son costume bleu nuit et toujours coiffé avec ce soin caractéristique de sa personne. Au fond, assis en bout de table sur une chaise de maître était posé Ewan Don Valliery. Bien que mon animosité soit encore présente, je dus admettre à regret qu'il était toujours aussi magnifique dans un costard trois pièces entièrement noir.

Le Grimoire Maudit D'Ewan Don VallieryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant