Home Love - George Glew
***Je panique soudainement, les yeux rivés sur l'écran de mon téléphone. La présence de ma mère me rassure un petit peu, mais mon angoisse est toujours là. Cette stupide angoisse qui me pourrit la vie depuis quatre ans. Le numéro de Andrew s'affiche sur mon écran jusqu'à ce qu'il disparaisse et qu'une annonce d'un appel manqué ne le remplace rapidement. Puis un message vocal que j'écouterai probablement, ou pas. Secrètement, je le ferai. Mais pas tout de suite. En avalant péniblement ma salive, je me mordille la lèvre inférieure et reste interdite, serrant mon portable entre mes doigts tremblants.
— Je ne pourrais jamais décrocher maman, dis-je dans un souffle.
Cette dernière pose délicatement une main sur mon avant-bras et m'adresse un petit sourire compatissant. Ce même minuscule rictus qui me met du baume au cœur depuis petite. Dès lors que je me disputais avec elle, elle m'offrait ce sourire qui, automatiquement, faisait sécher mes larmes et figeait le temps. J'aimais tant lorsqu'elle faisait ça, ces moments-là finissaient toujours dans la cuisine et nous faisions un gâteau. Mon père, le plus grand gourmand de la famille, se faisait un malin plaisir de goûter les diverses préparations que nous faisions à chaque fois. Que de bons souvenirs...
— Oh, Daphné... Si ce garçon te fait autant souffrir, pourquoi est-ce que tu ne tournes pas la page ?
Je pose mon téléphone et ferme les yeux, imaginant ce démon dans mon esprit. Son visage torturé, laissé il y a quatre ans à Melbourne, apparaît sous mes paupières et je me hais d'éprouver encore un petit quelque chose en le voyant. Une infime étincelle qui ravive la flamme. Mon cœur se serre dans ma poitrine et mon estomac se noue. Même après tout ce qu'il m'a fait, je n'arrive pas à songer à quelqu'un d'autre. À faire confiance à nouveau. Lorsque mes yeux s'ouvrent, je plonge mes iris dans ceux de ma mère. Meurtrie, je déclare d'une voix brisée :
— Parce que je l'aime encore, maman.
... Et je le déteste profondément.
Après la douloureuse déclaration qui me pèse sur le cœur, ma mère pose sa main contre ma joue et m'adresse un regard attendrissant. La chaleur de ses doigts contre ma peau m'apaise légèrement, mais les battements affolés de mon cœur ne ralentissent pas la cadence pour autant. Je me sens pitoyable, pleurer ce n'est pas vraiment la solution et au fond, je le sais très bien.
— Il est dur d'oublier son premier amour, ma chérie. Mais tu dois essayer par tous les moyens d'y parvenir. Ne le laisse pas te pourrir la vie alors que tu es si jeune encore.
Elle a raison. Mais comment oublier un homme à qui on a tout donné ? Avec qui, haine, amour et douleur sont reliées à son cœur ? Andrew m'a humiliée puis détruite, comme si ma dignité et ma naïveté n'avaient pas d'importance.
— Oh mais je ne veux plus tenter de l'oublier ! confié-je d'une voix calme. Maintenant que nous sommes dans la même ville, je veux qu'il me voit telle que je suis : forte. Depuis que j'ai quitté Melbourne, je me sens bien. Oui, j'écoutais encore ses messages vocaux jusqu'à hier, mais je ne céderai pas.
Forte ? Plutôt anéantie, oui... Je me connais : si par malheur je le croise en ville, je vais me mettre à paniquer. Une once de malice traverse les prunelles de ma mère alors qu'elle laisse tomber sa main sur la table.
— Alors tu devrais lui envoyer un message en lui disant ce que tu as sur le cœur.
— Comment ça ? demandé-je, perplexe.
— À toi de voir. Et tu devrais aller te reposer, ce long voyage t'a épuisé.
Puis elle se lève, me fait un petit clin d'œil complice puis quitte la cuisine, me laissant seule avec mon téléphone. Après longue hésitation, je me décide à le déverrouiller et d'appuyer sur le numéro de Andrew pour faire apparaître l'onglet message. Tout en me mordant à l'intérieur de la joue, je me mets à pianoter, silencieusement. Mon cœur tambourine sous ma cage thoracique et me fait mal tandis que mes mains deviennent soudainement moites. Est-ce que je m'apprête à envoyer un message au garçon que je hais au plus haut point pour la première fois depuis quatre ans ? Oui.
De moi :
« Salut Mikaelson, arrête de m'appeler. Voir ta sale gueule chaque jour contre mon gré, même à distance, n'est pas forcément amusant. Oh et va te faire foutre. »
C'est comme ça que j'exprime ce que j'ai sur le cœur, facile. Je joue la dure pour ne pas succomber. Satisfaite de moi, je verrouille mon téléphone et finis ma part de tourte. Tout en baillant, je monte les escaliers qui mènent au seul étage de la maison et m'arrête juste devant la porte fermée de ma chambre. Ma gorge se serre alors que je pose une main sur la poignée. Lorsque j'ouvre la porte, mes yeux balaient rapidement la pièce : tout est exactement comme dans mes souvenirs. Ma chambre d'adolescente avec des posters de The Who et The Beatles, mes deux groupes préférés, accrochés aux murs est toujours la même. Et, pour parfaire le tout : mon immense bibliothèque avec tous mes livres de romance que je lisais vers mes dix-huit ans, n'a pas une poussière. J'avance, émue. Cette chambre était mon refuge, mon petit coin de tranquillité.
Ça me fait bizarre de revenir dans cette salle après quatre ans de cavale. Trop de souvenirs, dont un qui m'est très douloureux : ma première fois avec Andrew s'est passée ici, dans ce lit. Je me rappelle encore de ses caresses, de sa lourde respiration qui résonnait dans mon tympan et de ses muscles roulant sous mes doigts. Mais aussi la montée de désir que j'ai ressentie lorsqu'il s'est immiscé en moi, dès lors que mes prunelles ont croisé les siennes, emplies d'un plaisir charnel et mutuel... Je croyais être unique à ses yeux, vraiment. Mais en réalité, je n'étais même pas sa première relation sexuelle, contrairement à moi.
Après tout ce qui s'est passé avec Andrew pendant nos années de lycée, je ne la quittais plus, à part pour aller manger et faire mes besoins. Mes parents étaient désespérés. En plus de ne pas connaître la raison pour laquelle leur fille était dans cet état-là, ils ne bénéficiaient plus de ma présence. Je les évitais pour ne pas qu'ils me voient détruite. Détruite à cause de lui. Jusqu'à ce que je n'en puisse plus et que parte pour Londres.
Battant des cils pour chasser les larmes qui menacent de couler, je pars m'asseoir sur mon lit, dont le matelas souple m'appelle sans cesse et pousse un long soupir. La fatigue se fait ressentir mais je lutte encore un peu. Juste encore un peu. J'ouvre mes valises, prends mon pyjama et l'enfile rapidement, épuisée. Dès lors que je m'enfonce sous les draps, mes paupières deviennent lourdes, très lourdes. Je commence à m'endormir lorsque mon téléphone sonne. Je saute dessus, le cœur au bord des lèvres. Andrew m'a répondu. Il. M'a. Répondu.
De Andrew M :
« Hey Adams ! J'ai appris que tu étais de retour en ville, du coup ce n'est plus trop à distance, si ? Oh et va te faire foutre aussi :). »
Même si ce message m'agace au plus haut point, je ne peux pas m'empêcher de sourire comme une idiote devant mon écran, le menton sous ma couette et les joues en feu. Je le hais, mais il arrive encore et toujours à faire battre mon cœur à mille à l'heure. Peu importe les kilomètres qui nous séparent, la rancœur et les blessures qui nous meurtrissent, nous sommes nés pour nous faire mutuellement chier jusqu'à la nuit des temps. C'est ainsi que nous sommes, Andrew et Daphné.
***
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Bonne journée mes petites lunes <3
Nolwenn ☾
Instagram 📸 : Rubism00n
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Bitter Lovers
Romance« Même après quatre ans sans te voir, j'aime encore ta sale tronche, Daphné Adams. » Après quatre années à errer dans la ville de Londres loin de sa famille restée en Australie, Daphné Adams, jeune âme rêveuse et rebelle, se l'est promis : elle doit...