La traversée de Stella Rems ne dura que deux heures, les vaisseaux ayant déjà atteint une vitesse considérable. La planète-océan s'était éloignée du pont d'Arcs. Ses couleurs pâlissaient sur le fond céleste. Elle ressemblait à un rêve d'adolescent, une promesse fabuleuse dont on se met à douter sitôt quelques années passés.
L'orbe bleuâtre qui flottait à côté de Lanthane, symbolisant les communications de Mjöllnir avec l'extérieur, se mit à bourdonner en émettant quelques étincelles.
« Ils veulent encore parler, remarqua Fréya. Mais je crois que nous nous sommes tout dit. »
Lanthane toucha la sphère sans même y réfléchir.
« Lanthane-sen ? demanda la voix inquiète de l'amiral Vargant, que l'on sentait dépassé par la tournure des événements.
— Je suis encore ici.
— C'est heureux. Nous avons pensé que l'accélération de Mjöllnir vous avait peut-être tuée.
— Quels imbéciles, interjeta Fréya, se moquant du fait qu'ils pouvaient l'entendre elle aussi. Notre pacte impose que je protège ta vie, il en est ainsi depuis deux millénaires et demi !
— Lanthane-sen, reprit l'amiral, votre détermination est admirable. Mais vous ne pourrez pas aller jusqu'à U'jera, quoi qu'il advienne. »
Des vaisseaux de Rems se trouvaient sur leur chemin, à quelques dizaines de milliers de kilomètres de leur trajectoire. À l'arrêt, leur formation ressemblait à celle de petits mammifères en milieu de chaîne alimentaire qui, de la canopée rassurante, observent en silence la rôde d'un grand prédateur. Mjöllnir passa devant eux comme une étoile filante, encore serré de près par le trio des anciens directeurs du BIS.
« Je vous en prie, Lanthane-sen, revenez à la raison. Deux systèmes inhabités se trouvent devant nous avant Stella Ferval. Arrêtons-nous dans l'un d'entre eux. Nous nous maintiendrons à distance et nous pourrons négocier. Si vous persistez dans cette folie, vous serez arrêtée.
— Par quoi ? s'exclama Fréya. Votre détermination inspire quelque respect, il est vrai, mais vous êtes en deçà de mes capacités. Vos trois frégates dépensent une énergie considérable en champs d'appoint pour réduire leur masse inertielle. À cette vitesse, vos équipages doivent souffrir. »
En effet, si réduire la masse des vaisseaux permettait de les accélérer, le champ englobait en son sein les almains de l'équipage. Et dans ces almains circulaient des fluides que sont la lymphe, le liquide céphalo-rachidien, et surtout le sang, propulsé par le cœur dans les artères et les veines. Cet organe était calibré pour une certaine masse inertielle ; réduire cette masse revenait à décupler sa puissance, ce qui pouvait faire éclater les artères, les alvéoles pulmonaires ou tout simplement produire des caillots.
« Ils sont tous équipés de nanoscopes, indiqua l'amiral Vargant, pour lui rappeler que la Conférence disposait de technologies capables de rivaliser avec la science de la civilisation disparue d'Asgard. Les dommages physiologiques de la suspension de masse inertielle s'en trouvent fortement réduits.
— Nous atteindrons U'jera, dit Fréya, c'est inévitable. Si vous avez de quoi nous en empêcher, dites-le, sinon ce n'est que du bluff.
— Je ne peux pas en dire plus, dit l'amiral.
— Il y a une demi-heure, vous avez annoncé la fin des temps sur toutes les ondes ! Qu'est-ce qui vous lie, cette fois ?
— Pour la fin du temps, ils peuvent toujours démentir, nota Lanthane en secouant la tête. Mais la situation est différente. Je crois savoir ce qui nous attend à U'jera.

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Nolim V : La fin du Voyage
Fantasy== 5e livre dans la série Nolim == L'UNIVERS DOIT PRENDRE FIN. Ainsi en ont décidé les Mille-Noms. Lassés de l'écoulement incessant des civilisations, déçus de la décadence des grands empires, les dieux primordiaux ont mandaté l'Annonciatrice Crysée...