22. Le jardin

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Ce brigand, dont le nom nous est resté inconnu, venait tout juste d'entrer dans un village minuscule de Daln. Comme il passait sans se soucier du tracé des rues, son premier geste fut d'écraser une série de coquelicots délicats. Plus loin, les habitants détournaient le regard ; on entendait le claquement des fenêtres.

Seul un vieillard, à l'autre bout du terrain, agitait les bras pour attirer son attention.

« Qu'est-ce qu'il y a ?

— ...é... an ! »

Ce trublion avait encore toute ses dents, mais plus un seul cheveu. Le dos un peu voûté, il s'appuyait sur une canne pour soulager son dos. Le bandit avança vers lui avec un sourire menaçant, faisant craquer les jointures de ses mains.

« Qu'est-ce que tu dis ? grogna-t-il.

Vous marchez sur mes plates-bandes.

Je marche où je veux, lui répondit-il en substance.

Vous avez saccagé mes fleurs.

Attends de voir ce que je vais faire à ta tête. »

Le vieillard soupira.

« Tout homme finit par revenir de sa quête, remarqua-t-il. Et tout homme revenu de sa quête n'aspire qu'à une seule chose : cultiver son jardin.

Qu'est-ce que tu dis ?

À force de marcher sur des fleurs, vous risquez de rencontrer un de ces anonymes à mi-chemin entre la carrière et la légende.

Hein ? »

Passablement ennuyé, le vieil homme frappa le sol du pied, lâcha sa canne et tendit la main pour attraper quelque chose par sa fenêtre ouverte. Une épée. Lorsque le vieux jardinier referma sa main sur la poignée, ses doigts en épousèrent la forme au millimètre près ; lorsqu'il laissa tomber le fourreau de cuir, c'était avec la négligence d'un geste répété cent fois.

« Je suis aujourd'hui le plus heureux des hommes, professa-t-il, le plus sage et le plus tranquille. Je ne demande rien d'autre que de voir pousser les fleurs. »

Intimidé, le brigand fit un pas en arrière.

« Vois-tu, tu n'es que de passage sur cette terre. Mais moi, j'ai vu toutes les terres. J'ai parcouru les océans, traversé les déserts, bravé les tempêtes. J'ai survécu à plus de batailles que je ne le méritais. J'ai tué l'envahisseur humain, j'ai occis le mage fou, anéanti le démon corrupteur. J'ai sauvé des royaumes et j'en ai plongé dans la ruine. Mes yeux ont contemplé tant de prodiges que, dans mes rêves, mon esprit a grandi jusqu'à envelopper le monde, j'ai eu l'impression de parler avec les dieux, et de traverser le Temps. Parce que je suis le chevalier Galahad. Ma lame a défait des maléfices dont la seule contemplation ferait bouillir ton cerveau dans ton crâne de moineau. Même à mes deux cent ans, je pourrai encore te tuer avec mon petit doigt. Disparais. »

L'histoire se scinde ensuite en deux versions : l'une dit que le brigand se serait effectivement enfui ; l'autre, que Galahad l'aurait assommé avec l'ongle du pouce.


Caelus, Histoire de l'Omnimonde


>Debout.<

Une rivière de feu traversa ses veines. Le nanoscope ne plaisantait pas avec les injections d'adrénaline.

Nolim V : La fin du VoyageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant