45. Égide

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Dans la mythologie grecque, l'Égide est une arme divine de nature mystérieuse, à la fois offensive et défensive. On la représente comme une cuirasse ou un bouclier, qui peut à son tour être employé à des fins destructrices. C'est une arme effrayante symbolisant la toute-puissance divine.

Mémorandum personnel de Mikhail


Elles traversèrent deux systèmes habités avant U'jera. Fréya s'abstenait de tout commentaire, se contentant de réviser les différents systèmes du vaisseau. Mais les cieux étoilés d'Andromède paraissaient dénués de vie à Lanthane ; ils avaient la froideur d'une ville minière à l'abandon, dans laquelle un explorateur entre pour la toute première fois depuis un siècle. Des Dragons étaient venus ici, accompagnés de leurs puissants omnisaures, des machines pré-conscientes de la taille d'une petite lune, chargés des activités de stockage d'énergie et de terraformation. Ils avaient traversé l'espace d'Andromède comme une terre inconnue, ils avaient longuement étudié ses étoiles, mais quelque chose les avait retenus d'installer la vie au-delà du berceau de la Voie Lactée.

Le dernier pont d'Arcs formait un puits de ténèbres flottant autour d'une planète gazeuse. Il paraissait plus noir encore que le néant ; un filet de gaz orangés s'élevait de la planète et plongeait en son cœur, comme la chaîne d'une montre à gousset.

Alors que Mjöllnir s'en approchait, parmi les contrôles holographiques, des aiguilles restées jusque-là paisibles frémirent. On aurait dit les prévôts d'une bourgade de campagne étouffée par le crime, dont le sommeil pèse plus lourd que les duels au pistolet qui se succèdent dans la rue centrale, mais qui sentent à dix lieues l'approche d'une inspection diligentée par un juge fédéral. Lanthane les vit faire un demi-tour, puis revenir à leur place, tels un guetteur criant au loup qui, lorsqu'il a enfin réveillé le village – et les prévôts – se met à douter d'avoir bien vu.

« C'est curieux, dit Fréya.

— Quoi donc ?

— Ce pont d'Arcs est différent de tous les autres. Sa signature énergétique ne ressemble à rien. Ce n'est pas l'œuvre des Dragons.

— Il est plus récent ?

— Plus ancien, je pense. Je crois aussi que s'il le voulait, il se rendrait invisible et nous pourrions passer à côté sans le voir.

— U'jera se trouve de l'autre côté.

— Oui. C'est peut-être Christophe qui veut que tu le rejoignes. »

Peut-être impatiente, ou inquiète, Fréya claqua des doigts en direction de l'horloge de l'IM et fit avancer le temps de plusieurs heures. Mjöllnir dérivait désormais à une vitesse misérable en regard de la course-poursuite avec la Division 1.

L'étoile d'U'jera n'avait pas de nom. Elle était si large que sa surface leur apparaissait comme un mur de flammes ; sa lumière bleue intense se reflétait sur Mjöllnir comme le rideau turquoise d'un lac de montagne. Plus loin se tenaient deux microscopiques billes brunâtres, brûlées par les ultraviolets, qui tournaient si lentement autour de l'étoile qu'elles en paraissaient fixes, tels des troncs calcinés spectateurs de l'incendie.

« Là-bas » indiqua Fréya.

U'jera rôdait bien plus loin, à une distance où l'étoile géante reprenait une forme sphérique. Malgré cela, elle aurait dû arborer les mêmes couleurs de cendre et de poussière que ses sœurs, et non ce blanc jaunâtre, légèrement brillant, comme une bille de calcaire.

Cette couche de sel qui recouvrait toute la planète, des pôles à l'équateur, était épaisse de kilomètres. Jamais un astre comme U'jera n'aurait pu se couvrir d'un océan, jamais celui-ci n'aurait duré assez longtemps avant de s'évaporer, et jamais autant de minéraux n'auraient pu s'y dissoudre pour se déposer de nouveau !

Nolim V : La fin du VoyageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant