41. Emmène-moi

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De qui suis-je l'instrument, Andromède ? De Diel ? De Rems ? De la Division 1 ? Qui m'a envoyée ici ?

>Une série de circonstances que personne ne maîtrisait entièrement. Une série de réactions qu'ils n'avaient pas prévues. Chacun, même les Stratèges, se persuade qu'il avait un plan. Mais la vérité est que tu as toujours été Aléane et qu'ils l'ignoraient. Tu es la Spirale du Temps.<

Je suis aussi sa fin.

>Peut-être.<

Des grains de poussière se heurtaient à son casque ; derrière cette vitre quasiment opaque flottaient les rémanences du feu céleste. Sous ce silence définitif, à peine troublé par son dialogue avec Andromède, grondaient les chutes des fleuves du Temps.

Lanthane flotta ainsi sur plusieurs dizaines de kilomètres, soit près d'une demi-heure, avant que ne se rapproche la surface de Mjöllnir. La ligne argentée du vaisseau semblait émerger du feu de Sagittarius, et trancher en deux son œil sombre. Il n'exerçait aucune attraction sur elle, contrairement au dévoreur d'étoiles. Lanthane rebondit deux fois sur la surface glabre de Mjöllnir, comme un caillou sur un lac d'eau claire, avant de glisser en direction du disque d'accrétion. Elle chercha quelque chose pour se rattraper, mais le vaisseau fantôme, d'une couleur de pleine Lune, était lisse comme un sommeil sans rêve. En désespoir de cause, elle ordonna au nanoscope de lui donner des griffes pour s'accrocher à la coque ; des appendices de nanomachines traversèrent les gants épais de sa combinaison et se brisèrent sur le métal invincible de Mjöllnir.

Le néant s'approchait d'elle à toute vitesse, comme l'antre du fourmilion.

À mi-chemin, le vaisseau fit une puissante embardée, se retourna pour présenter son ventre à Sagittarius, de sorte qu'elle put s'arrêter et se mettre debout.

« J'avais peur que tu ne viennes pas. »

Une femme à la peau claire et aux cheveux d'or, vêtue d'une tunique blanche, se tenait debout en face d'elle. Elle paraissait si réelle que Lanthane se demanda comment elle faisait pour respirer ; mais ce n'était qu'une image suspendue par-dessus la réalité, le résultat de champs d'anisotropie qui déformaient la lumière alentour pour donner forme au fantôme.

La femme fit un geste de la main pour l'inviter à remonter le long de la coque. Lanthane suivait un sentier invisible, délimité par des champs inertiels précis. Une gravité artificielle s'installa autour d'elle comme la main amicale d'un géant tandis qu'elle passait sur la tranche du vaisseau, jusqu'à ce qui ressemblait à une porte de sas.

Le métal de cet encadrement sommaire était d'une autre couleur que le reste de la coque, seul indice que ce vaisseau indestructible avait été, un jour, endommagé et réparé. Avec un soupir, la femme en blanc claqua des doigts pour activer la commande. Lanthane fut délicatement poussée à l'intérieur d'une coursive large, aux murs faits d'un laiton finement ouvragé, illuminée par des plafonniers comme une longue rangée de petits soleils. Le couloir traversait le vaisseau à la perpendiculaire, jusqu'à son cœur.

« Tu peux enlever ton casque, dit la femme. Et ta combinaison, elle n'a pas l'air très confortable.

— Sagittarius crache une telle quantité de rayons gamma qu'une milliseconde d'exposition dans le vide pourrait cuire un steak.

— Certainement » se hasarda la femme en blanc, qui n'avait sans doute aucune idée de ce qu'était un steak.

Elle se mit à marcher dans le couloir, ce qui obligea Lanthane à la suivre tout en se contorsionnant pour ôter son casque.

Nolim V : La fin du VoyageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant