Bonjour à tous,
J'espère que l'attente n'a pas été trop longue. Puisque nous abordons un tournant dans l'histoire, ces derniers chapitres ont été particulièrement longs à écrire. Mais j'ai une bonne nouvelle : la suite arrivera très vite !
Je tenais à tous vous remercier de lire Sous les masques, nous venons enfin de dépasser les dix mille vues et cela représente beaucoup pour moi. Alors, merci à tous pour votre soutien, vos commentaires, vos votes et surtout de continuer à suivre mon histoire !
Je vous souhaite une agréable lecture et un bon week-end,
Alcancia* * *
Je finissais de me préparer devant le petit miroir suspendu au mur de ma chambre. Couvrant mon torse encore humide d'une chemise en lin, je regardais l'image qu'il me renvoyait. J'avais bien changé durant ces six dernières années. Le fuyard apeuré s'était transformé en un fier jeune homme qui se tenait bien droit, ses idéaux comme marqués dans le marbre, solides et intemporels, et qui avait appris à appréhender le nouveau monde dans lequel il évoluait. J'avais fêté mes vingt-quatre ans deux mois auparavant. Je n'avais jamais imaginé vivre un jour entouré d'ennemis cruels et bestiaux, et encore moins rester de mon plein gré. Pourtant, cette période était révolue.
J'aurais aimé dire que je m'étais résigné, mais ce n'était pas exact, je m'étais seulement adapté. Mes débuts dans la capitale avaient été compliqués. Le soutien proposé par Adrik le soir où nous avions franchi les portes de la Fleur Blanche, la maison de plaisir qui lui appartenait et dans laquelle je résidais depuis cette fameuse nuit, m'avait aidé à surmonter la plupart de mes difficultés.
La première que j'avais rencontrée durant notre voyage était devenue encore plus importante à notre arrivée. Je ne connaissais pas un seul mot de la langue thérianthrope. L'inverse était aussi vrai, les hommes-bêtes ne faisaient aucun effort pour apprendre le langage humain. Quant à mes pairs, bien que nous utilisions en théorie la même langue, elle n'aurait pu être plus différente dans mon quotidien. J'employais un dialecte bien trop ancien, qui était oublié par la plupart. En fait, seul Adrik le connaissait dans mon entourage. Je me demandais bien dans quel but il s'était ingénié à l'assimiler jusqu'à le parler couramment. Ainsi, je ne pouvais communiquer qu'avec ce dernier.
Pallier cette problématique avait dès lors été une priorité absolue. Dès le lendemain, des cours intensifs avaient été mis en place par Adrik. Il était tout aussi dur et intimidant dans ses leçons. L'échec et l'absence d'attention étant prohibés, j'avais donc dû être parfaitement rigoureux, sans me laisser distraire. Il attendait de moi des progrès rapides. Je pouvais désormais affirmer sans hésitation que la patience lui manquait cruellement dans ce domaine. Bien que j'aie toujours été bon élève, le rythme qu'il m'avait imposé était rude et je l'avais péniblement suivi. Mais les résultats étaient sans appel.
Au bout de quelques semaines, je pouvais échanger quelques banalités avec mon nouvel entourage et les clients. J'étais capable ainsi d'aider en salle comme en cuisine, sans me tromper dans les commandes. Puis, en quelques mois, je m'étais senti beaucoup plus à l'aise. Désormais, je maîtrisais autant la langue de son peuple que du mien. Adrik s'était révélé être un excellent pédagogue, c'était indéniable.
Les employés de la taverne, des mercenaires et gardes aux hommes et aux femmes qui vendaient leur corps à l'étage, étaient méfiants à mon égard. Je n'étais rien d'autre que le protégé de Adrik, qui vivait à ses frais. J'étais certain que certains grinçaient des dents quand d'autres me jalousaient. Je n'avais pas été acheté pour écarter les cuisses à la moindre pièce d'argent. J'avais même l'interdiction formelle de m'approcher des chambres à l'étage réservées à cette pratique. Les premiers jours, quand Adrik ne me torturait pas avec ses leçons, je m'ennuyais et je ne pouvais qu'observer les regards emplis de convoitises des clients à l'égard de ces corps presque dénudés qui parcouraient la salle à la recherche de futures bourses bien remplies. Bien que je fusse libre de mes mouvements, il ne faisait aucun doute que j'étais prisonnier de ce lieu. Finalement, ils m'avaient accepté, non sans réticences, quand ils constatèrent les efforts innombrables que je fournissais pour m'intégrer et me rapprocher d'eux.
La Fleur Blanche avait la particularité d'être une maison de plaisir mixte. Quel que soit le péché charnel que vous souhaitiez commettre, il était possible, avec un être de l'un de nos deux peuples. Seuls la violence extrême, la torture et le meurtre étaient proscrits. Aussi, j'avais souhaité me raccrocher aux humains qui travaillent ici.
Même si je me faisais le plus discret possible, des rumeurs apparurent rapidement. Un gamma tel que Adrik gardait à ses côtés un oméga qu'il n'avait toujours pas revendiqué, et qui n'était pas promis à la prostitution. Qu'avais-je de spécial ?
Je me le demandais moi-même. Je comprenais ainsi les regards tant remplis de curiosité que de désirs. En me traitant différemment, il avait attiré l'attention sur moi. Elle n'en fut que plus accentuée quand ils surent que je n'avais toujours aucune forme animale définie. Les semaines passaient et elle n'était jamais encore apparue, alors les spéculations s'accumulaient.
Je n'avais jamais été à l'aise avec ce fait biologique, qui me semblait incongru. Il avait remis en question l'histoire de mon peuple, nos légendes, mes croyances. Le village où j'avais grandis n'était donc qu'un nid de mensonges et de vices, à l'image de ses dirigeants qui non seulement m'avait manipulé, mais qui nous avaient drogués et endoctrinés depuis notre naissance. Les récits de Adrik faisaient de moi l'un des descendants de traîtres à la race humaine et de lâches. Mes ancêtres avaient tourné le dos au même peuple qui se faisait opprimé devant mes yeux. Et mon cœur était gonflé de justice et de compassion. Ce paradoxe risible était insupportable.
Mais je pouvais difficilement occulter la véracité des propos de Adrik. La preuve en était sous mes yeux. En près d'un an, avant l'apparition de la mienne, j'avais pu observer la métamorphose d'un nombre conséquent d'humains en bêtes. Ils n'étaient pas devenus pour autant des démons assoiffés de sang comme Sheishou se plaisait à nous le répéter pour nous effrayer.
J'en possédais aussi une et elle était à leurs yeux magnifique et rare. Dès que je l'avais revêtue, des dizaines de voix étouffées s'étaient élevées et elles ne s'étaient jamais tues. Contrairement aux autres humains, je n'avais pas que quelques faibles caractéristiques animales. Elle s'étendait sur mon corps entier, telles celles des gammas. Sans mes phéromones, j'aurais pu être indissociable de ceux-ci.
Ce jour-là, bien que j'avais eu les cheveux courts, ils s'étaient allongés formant une crinière sauvage qui dévalait jusqu'à mes hanches. Les reflets lunaires de ma chevelure s'étaient intensifiés, jusqu'à la rendre éclatante et comme baignée de pureté. Quand j'y avais passé des doigts tremblants et déformés par des griffes acérées et meurtrières, elle avait semblé aussi douce que les étoffes précieuses que j'avais à peine osé toucher au marché. Une fourrure aux mêmes teintes courait sur mon front, entourant mes yeux assombris d'une lueur bestiale. Mes traits paraissaient plus durs et plus épais, ainsi agrémentés de ce duvet blanc. Deux oreilles touffues et arrondies avaient pris place plus haut sur mon crâne, remplaçant les miennes. Mes muscles s'étaient faits plus saillants, remodelant mon corps. Une nouvelle impression de puissance parcourait mes veines. Je me sentais plus fort, plus vif, à l'affût du moindre mouvement tel un prédateur rôdant à la recherche de sa prochaine proie. Surplombait mon bassin, une longue queue poilue, fouettait l'air.
J'étais devenu la personnification d'une panthère blanche, comme celle de leurs légendes. Mon ouïe, qui s'était affinée, capturait les murmures parcourant la salle. Un nom revenait souvent : Tendua, l'appellation symbolique de la réincarnation du dieu humain.
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Sous les masques
RomanceÀ l'aube de son mariage, Jeizah voit ses espoirs anéantis lorsqu'il découvre que sa relation avec le futur chef de son village est rythmée uniquement par la cupidité et une légende insensée. Dévasté et désabusé, il tourne le dos sans réfléchir à cet...