Chapitre 28

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Le ciel étoilé s'était effacé pour laisser place à l'aube naissante dont les faibles rayons lumineux plongeaient sur nos corps entremêlés. Les yeux alourdis par les affres du sommeil, je m'extirpais avec précaution de l'étreinte de Sinha et me levais. Le point du jour dévoilait ma peau nue, découverte de ma fourrure lunaire, pour me rappeler à l'ordre. Il était temps que je rejoigne ma chambre, avant que le prince ne se réveille et constate des vérités qui ne lui plairaient assurément pas.

Ses poils se hérissèrent tandis que son bras s'empressa de balayer la place que j'avais délaissée, ne rencontrant que les résidus de la chaleur de mon corps. À demi conscient, il grogna, puis il se recroquevilla sur lui-même pour contrer le froid mordant du petit matin. Les coussins moelleux épousèrent alors sa nouvelle position. Ses muscles se détendirent progressivement et sa poitrine se souleva bientôt en un rythme profond.

Étourdît et les doigts gelés, je récupérais mes habits froissés jetés aux alentours et je les revêtis tant bien que mal.

La tête encore lourde, j'observais les environs en quête du chemin menant au château. Une scène qui n'avait d'égal à la magie nocturne de la veille se dévoila sous mes yeux. Le bassin miroitant accueillait quelques biches et petits mammifères. Les rossignols souhaitaient la bienvenue au jour d'un chant mélodieux et les arbres dansaient au rythme de la légère brise. La tranquillité et la magnificence que dégageait ce tableau vivant se gravaient en mon for intérieur. Bien que l'attitude de Sinha demeurât discutable, parfois tant irritante que douce, je devais reconnaître les efforts qu'il déployait pour m'amadouer. Si seulement il ne se révélait pas être une telle bête déraisonné face aux humains, notre contrat aurait pu s'avérer bien plus agréable.

Je le quittais après un dernier regard en arrière et retournai dans mes quartiers. Quand j'en poussai enfin la porte, je m'écroulai sur mon lit. À quel point avais-je perdu la tête, pour m'assoupir à ses côtés, alors que l'aphrodisiaque n'était qu'éphémère ? Je n'osais imaginer sa réaction s'il avait découvert le pot aux roses en s'éveillant. Je me savais irréfléchi des années auparavant, mais je pensais pourtant avoir appris de mes erreurs depuis. J'entendais d'ores et déjà Adrik me sermonner durement. Quant à Sinha, il se trouvait désormais endormi, seul et par conséquent dans une position vulnérable, à la proie de tous les dangers. En plus de la bêtise, j'associai l'incompétence. Considérais-je si peu ma vie pour placer moi-même ma tête sous un billot accusateur de malheurs ?

Mes intestins se tordirent tout à coup sous les remords et la peur. Ainsi confronté à cette erreur grossière, je m'empressais de rejoindre à la hâte les commodités dans l'alcôve pour me défaire de mes vêtements souillés et me débarrasser des traces de nos ébats. Avant d'enfiler ma livrée de serviteur, un simple pantalon noir, rehaussé d'une ample tunique de lin qui faisait écho à ma chevelure, je pris garde que les effluves de son odeur lui soient désormais imperceptible. Une fois prêt sous toutes les coutures, je m'emparais de la veste brodée des écussons royaux et je me dirigeais d'un pas vif vers la salle d'armes. Au dernier moment, je me permis un bref détour pour récupérer quelques provisions en cuisine. Je comptais bien me préparer à tout imprévu. Ne disait-on pas qu'une bête affamée n'était que plus redoutable ?

Je préférais essuyer sa colère et sa déception avec de bons arguments en main pour détourner son attention, bien que je doute de l'efficacité de cette faible tactique.

Les soldats occupaient entièrement la pièce décorée d'épées meurtrières, de lances menaçantes et de solides boucliers. Quelques quolibets graveleux parcoururent la troupe à mon arrivée. Le nouveau serviteur humain, et qui plus est oméga, de Son Altesse n'était pas passé inaperçu auprès de sa garde. La voix bredouillante, je commençais à expliquer la situation, demandant leur assistance. L'ambiance changea alors du tout au tout et un des thérianthropes s'approcha. Son aura menaçante s'écoula sur moi pendant que je reculais d'un pas. Mon instinct m'incitait à la prudence face à cette silhouette trapue qui me dépassait bien d'une tête. Pourtant, il apposa seulement une main géante sur mon épaule raide, d'un geste bourru, et m'annonça notre départ. D'un mouvement et de sa voix rauque, il ordonna à deux de ses subordonnés de nous accompagner.

Sous les masquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant