Chapitre 32

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- Comment oses-tu invoquer son nom ?

Sinha se dressa au-dessus de moi en un éclair avant de me basculer sous lui. Ses crocs à découvert menaçaient d'ouvrir ma gorge au moindre mouvement. Je restai immobile pour ne pas accentuer sa colère tandis que je me morigénais ; la protection qui m'était offerte par le statut indispensable de Tendua ne couvrait en aucun cas ma forme humaine. Comment serait-ce possible alors qu'il nous pensait être deux individus différents ?

Sinha rugit, les oreilles aplaties.

- Qui es-tu ?

J'essayai de demeurer calme tandis que la pression qu'il exerçait sur mes épaules me meurtrissait. Ses griffes pénétraient le tissu et esquintaient ma peau.

- Je vous demande pardon, Votre Altesse. J'ai fait une erreur en citant cet exemple parmi tant d'autres.

- Ce n'est pas ce que je te demande ! Es-tu un de ses partisans ?

Je suis né dans le village de Kesselt, mais suis-je pour autant un de ses sympathisants ? Il serait bien capable de revenir d'entre les morts pour me punir de m'être offert au prince des démons. Non, j'avais dérogé à tous nos principes en acceptant de vivre parmi les thérianthropes.

Je ne pouvais pas lui avouer que je venais d'un lieu adorant Kesselt, sans que cela signe ma fin ainsi que celle de tous mes proches, sans oublier Adrik, qui aurait à répondre de ses actes.

Mon trouble dut se lire sur mon visage, puisqu'il grogna avant d'adoucir sa prise.

- Je n'ai pas besoin de dieux pour appréhender le monde qui m'entoure. Puis, je tiens bien trop à la vie et à la santé de mes proches pour tenter des choses ridicules au nom de je ne sais qui, répliquai-je enfin.

Ses yeux se plissèrent, suspicieux, toutefois il me relâcha complètement. Adrik s'était avancé, prêt à intervenir.

- Fais attention à tes paroles.

Sinha se releva et épousseta ses vêtements, ses iris encore flamboyants de fureur.

- Ne nous disputons pas ce soir, s'il vous plaît, commenta Adrik. Nous sommes seuls dans une clairière, sans gardes, je préférerais que nous n'attirions pas l'attention.

Nous acquiesçâmes tous les deux avant que Sinha ne se détourne, m'ignorant superbement.

- Je prends le premier tour de garde, décida-t-il en s'isolant.

Quand il fut assez loin, je ne pus contenir plus longtemps un soupir de soulagement. Néanmoins, la main d'Adrik se posa sur mon épaule.

- Pourquoi est-il dans cet état ? Qu'as-tu encore fait ?

De prime abord, j'eus envie de m'offusquer, pourtant, je me retins. Adrik me connaissait assez pour se douter du fautif de cette dispute.

- J'ai mentionné Kesselt, ce qui apparemment a dérangé Sa Majesté, avouais-je en raclant la terre sous mes pieds.

Je savais que j'avais commis une erreur et je prévoyais sa prochaine remontrance. Elle ne se fit pas attendre. La poigne d'Adrik se raffermit et broya impitoyablement ma chair.

- Et tu as pensé que ce serait une bonne idée alors que des crimes de haine sont perpétrés au nom de ce traître ?

Il scruta les environs, cherchant de l'œil Sinha, avant de continuer quand il s'assura que son ouïe fine ne puisse nous entendre.

- Je sais d'où tu viens et que là-haut, vous l'adoriez. Je sais aussi que tu ne ferais pas le moindre mal à une mouche tant qu'elle ne t'attaquera pas explicitement, mais tu ne peux pas te défendre en invoquant son nom. Rappelle-toi de ta peur quand tu nous as aperçus. Eh bien, imagine maintenant ce que ressent le prince Sinha lorsqu'il entend le nom d'une personne pour qui des gens massacrent son peuple. Tes croyances ou tes pensées ne doivent pas franchir tes lèvres lorsque tu t'adresses à lui.

Sous les masquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant