Chapitre 47

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La sentence prononcée, Sinha me délaissa au profit de ses officiers. Puis, il apaisa sans attendre la noblesse qui avait assisté à ce sinistre spectacle. Assuré et déterminé, il soulagea les cœurs ébranlés, dompta la houle de rancœur et noua quelques promesses. La foule se dispersa bientôt, emportant avec elle les échos de la journée. La salle sombra dans la solitude tandis que les soldats regagnaient leurs postes. La famille du comte, qui se remettait de cette épreuve ardue, ferma la marche. Je demeurai spectateur de ce ballet dramatique, jusqu'à ce que Sinha finisse par me revenir. Il m'ordonna alors de le suivre.

Nous naviguâmes dans les dédales du palais avant de pénétrer dans la cour extérieure. D'un pas vif et exutoire, le prince nous conduisit au terrain d'entraînement. Il somma les combattants de se retirer et attrapa deux épées en bois, une fois que nous fûmes seuls.

— Sais-tu manier une épée ?

— Non, pas vraiment, Votre Altesse.

— Alors, il est temps d'apprendre, affirma-t-il en me rendant l'une des deux armes.

Je haussai les sourcils, surpris, en la récupérant.

— Pour quoi faire ? Je ne suis pas soldat et je ne compte pas l'être. Savoir me battre à l'épée ne me servirait à rien.

— Il faut être fou, ou sot, pour s'élancer face à des hommes armés sans même savoir tenir correctement une épée, répliqua-t-il sans prendre en compte ma remarque.

Il captura mon poignet et fit glisser mes doigts sur le pommeau.

— Empaume la garde avec assurance, ordonna-t-il en modifiant ma prise.

Puis, avant que je ne puisse protester, il se plaça derrière moi. Du pied, il éloigna mes jambes d'un écart de hanche. Sa main se posa au creux de mon dos, tandis que son bras se logeait contre mon torse. Mon corps suivit son mouvement, se redressant. Lorsque ma posture lui convient, il revint devant moi.

— Vous êtes tellement têtu ! Nous avons autre chose à faire que de perdre notre temps à jouer avec des épées en bois. Et, ajoutai-je, je ne suis ni sot ni fou. Ils n'auraient jamais pu m'atteindre, même s'ils l'avaient souhaité. Il me suffisait de faire deux pas en arrière et j'étais protégé par votre garde. Les soldats se seraient interposés dès qu'ils auraient fait un mouvement de trop. Je ne risquais absolument rien.

— Aujourd'hui, peut-être, mais tu viens de te faire beaucoup d'ennemis Jeizah. Le bruit va bientôt courir qu'un humain est intervenu, ce qui ne manquera pas de froisser l'ego de certains nobles. Ce n'est pas tout. Tu as mentionné haut et fort ton appartenance au peuple de Kesselt. Cela n'a échappé à personne et l'information a dû faire le tour du palais à l'heure actuelle. « Le serviteur du prince est un adorateur de Kesselt ». Tu vas devenir une cible à abattre et je ne serai pas étonné que d'ici ce soir, les conseillers de mon père exigeront ton renvoi. Alors que tu sois au château ou à la Fleur blanche, tu ferais mieux d'apprendre à te battre. Maintenant, fais-moi le plaisir de te mettre en position.

Son discours me gela. J'étais bien conscient de la méfiance dont avaient fait preuve les thérianthropes dans la salle, dès lors que j'avais dévoilé mes origines. Cependant, je n'avais pas imaginé de répercussions aussi sévères. Après tout, j'avais aidé à sauver les leurs et je m'étais dressé contre ces adolescents endoctrinés. Leur haine pour Kesselt les aveuglait-elle au point de ne pas saisir la nuance entre eux et moi ?

Je soupirai et me mis en garde, imitant la posture des guerriers de notre village. Le coude légèrement fléchi, prêt à parer. La pointe de l'épée en direction des cieux. Mon pied gauche en retrait, la jambe droite en avant, les genoux souples. Je me redressai, bombant la poitrine, comme Sinha me l'avait demandé. Une fois ma position équilibrée, je raffermis ma prise.

Sous les masquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant