Chapitre 36

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Des cris de joie et de rage nous interrompirent tandis que le vainqueur de la joute précédente recevait quelques tapes dans le dos. Alors que nous nous fondions dans la masse de spectateurs, le temps de la discussion à cœur ouvert fut écoulé. Adrik lança aussitôt quelques paris, après avoir étudié les combattants restants. Nous prîmes part aux jeux rythmés par le fracas des armes, les encouragements de la foule, l'allégresse et la déception des participants. Au fil des heures, j'oubliais mes doutes et mes craintes, pour me joindre au bon vivre ambiant. La soirée s'approcha à grands pas. Le tournoi conclut, nous nous dirigeâmes finalement avec Adrik vers le château. Il était temps de me préparer pour le bal.

Une vingtaine de minutes plus tard, nous passions le pas des appartements d'Adrik. Il était logé dans une des suites de l'aile nord, où se trouvait la famille royale. Des gardes étaient postés au fond du couloir, devant les chambres de Sinha et du roi. Bien qu'il ne fasse cas de son appartenance à la couronne, son rang primait au palais.

Un costume m'y attendait, parfaitement taillé à ma morphologie. D'un noir d'ébène, aux broderies argentées, la veste camouflait ma chemise blanche où miroitait à la lumière, une panthère bondissante, les crocs découverts, comme pour crier au monde que j'étais le protégé des Dieux. Je me fondais dans ce monde obscur et éclairais de la douce lueur des astres leurs méfaits, me tenant prêt à surgir à la moindre injustice, à la barbarie, à la sauvagerie, pour terrasser ces bêtes sans pitié. Le dieu Panthère m'accompagnerait ainsi à chacun de mes pas. Bien que je ne puisse me présenter sous ma forme animale, en défenseur des hommes, Adrik l'avait mise à l'honneur, pour qui savait regarder. Je menai un jeu dangereux en l'arborant à la vue de tous, mais un frisson d'anticipation me parcourut. Je me tiendrai au bras du prince lors de l'ouverture du bal et de cette simple présence, je montrerai à tous mes compagnons que l'espoir était encore possible. L'humanité pourrait siéger un jour, la tête haute, aux côtés des Thérianthropes.

Après l'avoir observé sous tous les angles, enthousiaste, je le revêtis. Il soulignait ma carrure fine, épousant mon torse et cintrant ma taille. Ma silhouette s'en trouvait plus élancée. Toutefois, mon teint paraissait un peu plus pâle que d'habitude. Était-ce un jeu de lumière ? Me prêter aux mains d'un médecin n'était finalement pas une mauvaise idée.

Lorsque nous fûmes apprêtés tous les deux, nous quittâmes le petit salon pour rejoindre le couloir. Une porte grinça. Sinha apparut, d'une élégance sans nom, dans un costume d'un bleu profond aux broderies dorées. Sa peau d'un naturel mordoré semblait flamboyante sous la lueur des bougies. Il m'observa, laissant courir ses iris ambrés sur mon corps.

— Tu es magnifique, Jeizah, approuva-t-il.

Un tel compliment de sa part sonnait étranger. Pourtant, je carrai les épaules, un peu plus en confiance.

— Vous me flattez, Votre Altesse, répondis-je tout de même humblement.

Il s'approcha et tandis que sa main atterrissait entre mes reins, il s'adressa à Adrik.

— Je te l'emprunte, mon oncle.

D'un grand sourire, celui-ci nous enjoignit à profiter des festivités. Finalement, nous nous séparâmes après une dernière œillade. L'épaule de Sinha frôlait outrageusement la mienne, ses doigts pressant le bas de mon dos.

Au détour d'un couloir vide, je me décalais sans plus de cérémonie et ma voix s'éleva, sèche.

— Sinha ! Vous vous oubliez.

Il s'interrompit avant de pivoter vers moi, pris sur le vif. Il réduisit alors la distance qui nous séparait et me saisit la mâchoire, ne me laissant aucune retraite.

— Ne t'avise plus de m'appeler par mon prénom.

Cependant, ses doigts ne la serrèrent pas. Son toucher resta léger, m'obligeant seulement à affronter le brasier incandescent de ses pupilles.

Sous les masquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant