Chapitre 58

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Les torches éparses éclairaient le couloir humide où le bruit des chaînes se répercutait, se mêlant aux pas ordonnés de la garde qui nous accompagnait. Nous arrivâmes devant deux cellules, où des humains de tout âge étaient parqués. Mon cœur se serra. Des femmes pressaient leurs nourrissons contre leurs seins, espérant leur offrir assez de chaleur dans ce froid cauchemardesque. Les enfants, à notre vue, pleurèrent dans les bras de leurs parents qui tentèrent de les rassurer. L'effroi se lisait sur leurs visages.

— Ouvrez cette cellule, ordonna Sinha en pointant la geôle à notre droite.

Elle contenait la plupart des familles. Les gardes nous avaient appris qu'ils avaient séparé les humains les plus belliqueux du reste du groupe pour les gérer plus facilement. D'une part, ils rencontraient peu d'oppositions, les femmes et les jeunes garçons n'étant pas assez téméraires pour se rebeller ; de l'autre, ils pouvaient user à souhait de la force pour contraindre les prisonniers et les amener dans les salles d'interrogatoire.

Quand les gardes s'approchèrent pour déverrouiller la porte, les humains se tassèrent au fond de la cellule. Les cris et les supplications fusèrent sans que l'on ait pu prononcer un seul mot. Le cachot voisin s'anima avec fureur, les rebelles se jetant contre les barreaux en s'époumonant, les injures et les menaces éclatèrent.

— Mettez-vous en ligne, somma l'un des soldats en les ignorant.

Personne ne bougea d'un pouce. Je m'avançai, mais Sinha me retint.

— Laisse-moi faire, s'il te plaît, lui demandai-je.

Il hésita, mais relâcha finalement mon coude. Je pénétrai alors dans la cellule et m'approchai d'une jeune fille qui avait attiré mon attention. Assise, les genoux resserrés contre son torse, elle tremblait de tout son être. Je posai une main sur son bras ; elle gémit de terreur. Les personnes aux alentours désirèrent intervenir, mais l'attitude des gardes les en dissuadèrent.

— Regarde-moi, intimai-je.

Elle osa à peine relever les yeux. Je patientai, occultant la tension de Sinha et les gardes qui me pressaient de revenir. Finalement, quand elle vit que je restai calme, elle croisa mon regard, incertaine.

— Tu peux te lever ?

Elle acquiesça fébrilement. J'attrapai sa main et l'aidai à se mettre debout.

— Je m'appelle Jeizah de Tyspolie, me présentai-je avant de me tourner vers les autres prisonniers. On me surnomme aussi Tendua, descendant et réincarnation du dieu Panthère. Vous êtes désormais sous ma responsabilité, par ordre de Son Altesse le prince Sinha.

J'observai le rassemblement qui me faisait face. J'avais capté leur attention.

— Je ne vous demande pas de me faire confiance. Je ne le ferais pas à votre place. Toutefois, je m'assurerai qu'aucun mal ne vous soit fait si vous nous suivez sans opposer de résistance. S'il vous plaît, mettez-vous en ligne et suivez-moi.

Mon attention se porta à nouveau sur la jeune fille. Ses yeux brillaient d'une faible lueur d'espoir. Je lui tendis la main.

— Veux-tu bien m'accompagner ?

Elle hésita, mais finit par saisir ma paume. Je refermai mes doigts sur les siens et la guidai en dehors de la geôle. Quand ils aperçurent les gardes s'écarter de notre passage, certains osèrent s'avancer pour me rejoindre.

Petit à petit, même les plus peureux s'alignèrent derrière moi. Je retins un sourire satisfait et lançai une œillade vers Sinha. Il approuva d'un signe de tête, fier.

Les gardes se répartirent le long de la file, tandis que leur officier nous guida en dehors des cachots. Au-dehors, dans la cour extérieure, nous attendaient trois larges carrioles. J'y accompagnai la jeune fille et les prisonniers et leur demandai d'y monter. Une quinzaine de minutes plus tard, nous fûmes prêts à partir, sans le moindre accroc. Du moins, jusqu'à ce que la garde royale n'intervienne. Dans un fracas d'armures, elle nous entoura, un mur d'épée nous faisant face. Les humains s'agitèrent dans le convoi. Je m'approchai, tentant de garder la tête froide pour les apaiser. Le cercle de fantassin finit par s'ouvrir pour laisser passer le roi, qui se dirigea vers Sinha au centre de la formation, d'un pas vif.

Sous les masquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant