Chapitre 7

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Il relâcha mes chevilles pour aller fouiller dans un petit coffre non loin. Il en sortit de larges bandes de tissus propres, une bouteille d'alcool et un onguent. Puis, il attrapa sa gourde et revint vers moi.

— Ça ne sera pas agréable, mais on ne peut pas laisser les plaies s'infecter.

Il s'asseya sur la couche et récupéra l'un de mes pieds pour le poser sur sa cuisse.

— Naïf et fragile. Tu n'aurais pas survécu bien longtemps dans la forêt tout seul, s'amusa-t-il.

— C'est toujours mieux que d'être aux mains de démons, murmurais-je.

Il éclata de rire, tandis que son ouïe fine avait saisi mes paroles presque intelligibles.

— C'est ainsi que l'on nous appelle dans ton village ?

— Peut-être, soufflais-je, craignant de le contrarier à nouveau.

— J'aime beaucoup cette idée.

Un sourire moqueur affina ses lèvres.

— Assez plaisanté, on va voir si tu es aussi fort en actes qu'en paroles.

Les minutes suivantes ne furent que souffrance. Bien qu'il ait humidifié le tissu, ramollissant les croûtes, mes plaies s'ouvrirent à nouveau et la brûlure vive de l'alcool ne fit qu'accroître ma douleur. Toutefois, elles furent soignées et bandées proprement. Je me déshabillai par la suite, revêtant les vêtements propres qu'il me tendit. Finalement, il quitta quelques instants la tente, m'ordonnant de ne pas bouger et revint avec un bol de gruau.

— Mange doucement, sinon ton estomac ne le supportera pas.

Lorsque j'attrapai la cuillère plongée dans le bol, il me questionna.

— Ton odeur est de plus en plus forte. Tu vas entrer en chaleur ?

— C'est ce que Sheishou, enfin, le chef du village disait.

— C'est embêtant. Je n'ai pas le temps de gérer un oméga en chaleur et je n'ai pas non plus particulièrement envie de coucher avec toi pour combler tes besoins.

Il sortit une fiole d'un de ses sacs de voyage et me la tendit.

— Bois.

— Qu'est-ce que c'est ? demandais-je avec méfiance.

— Un mélange de plantes qui supprimera tes chaleurs. On l'utilise sur les jeunes omégas en attendant de leur trouver un partenaire. Ce n'est pas dangereux, tu ne risques rien.

Je la pris et la serrais dans mon poing. Avec hésitation, je me risquais à revenir sur ce qu'il avait dit plus tôt.

— Vous avez dit que vous pouviez combler mes besoins. Mais seul un alpha peut les combler... Je ne comprends pas.

Je fuyais son regard et attendis, craintif, sa réponse. Je ne pus m'empêcher de lui jeter un coup d'œil furtif, afin d'évaluer sa réaction. Il paraissait surpris.

— Comment ça un alpha ? Ce ne sont que des erreurs de la nature et ils ne doivent en aucun cas exister. Les omégas sont naturellement destinés pour les gammas.

— Qu'est-ce que des gammas ? intervient-je tout à coup.

Son étonnement ne fit que croître.

— Comment ne peux-tu pas le savoir ? Ton village était donc si coupé du monde que tu n'en as jamais entendu parler ? D'ailleurs, comment se fait-il que ton village ait à sa tête un alpha ?

— ça a toujours été le cas. Les omégas doivent être soumis par les alphas, c'est un commandement de Kesselt.

Adrik sembla abasourdi.

— Tu viens bien de dire Kesselt ?

Je fronçai les sourcils.

— Oui, le dieu Kesselt. Qui d'autre ?

Il m'observa avec curiosité, comme si j'étais tout à coup devenue une chose mystérieuse et quelque peu dangereuse.

— D'où viens-tu réellement ? Tu sembles croire à un traître, tu ne connais pas les gammas et tu mentionnes ces aberrations d'alphas. Tu n'as pas l'air d'être un humain ordinaire.

Même si nos peuples étaient étrangers, une incompréhension des plus importantes nous séparait à cet instant. Je ne savais plus ce que j'étais en droit de dire pour ne pas la creuser davantage. Le visage d'Adrik s'obscurcit, ses sourcils se froncèrent jusqu'à ce qu'une révélation illumine ses traits.

— Que connais-tu des Thérianthropes exactement ?

Était-ce une question piège ? Je l'observai, m'interrogeant sur le sens de son interrogation. Néanmoins, après quelques hésitations, je me décidai à jouer franc-jeu.

— Vous n'êtes qu'un peuple de barbare sanguinaire qui ne cherche qu'à nous dévorer ou à nous maudire pour nous rendre comme vous. Vous n'êtes que des démons qui ne mérite pas de vivre. En somme, nos ennemis jurés.

Je me rendis compte de la violence de mes paroles quand Adrik eut un léger recul. Je me mordis la lèvre, un peu embêté. Néanmoins, il ne parut pas en prendre ombrage.

— Intéressant. Tu as parlé de malédictions. Tu peux m'en dire plus ?

J'hésitais alors que j'en avais déjà dit bien plus que je ne le souhaitais. Mais il attendait que je réponde à sa question, alors je n'eus d'autres choix que de m'expliquer.

— Les hommes qui s'enfuyaient du village revenaient parfois, mais ils n'étaient plus humains. Le chef du village affirmait qu'ils avaient croisé la route des hommes-bêtes et qu'ils avaient été maudits. Ils s'étaient transformés en monstre. Ils revenaient sous forme humaine et lorsque les gardes les attrapaient, ils se changeaient en bêtes. Des cornes, des oreilles ou des queues apparaissaient soudainement et ils devenaient très agressifs. Nous n'avions d'autres choix que de les éliminer au risque de contaminer tout le village.

— Je comprends. Tu n'as donc jamais été maudit ?

— Non. Un des démons m'a attaqué une fois et m'a laissé cette cicatrice, mais je n'ai pas été maudit. On dit que les fleurs Feishou, le dernier cadeau de Kesselt, nous protège du vice.

Une pensée effrayante me frappa tout à coup.

— Vous n'allez pas me maudire ?

— Je n'ai jamais maudit personne, assura-t-il, et nous ne sommes pas des démons. Je crois que je comprends ce qui se passe. Il semblerait que les légendes aient finalement un fond de vérité. Si tu proviens bien du village caché de Kesselt, cela me paraîtrait tout à coup plus logique que tu ne connaisses rien à la réalité de notre monde et que tu nous considères ainsi.

— Comment ça ?

— Je n'ai pas le temps de t'expliquer notre histoire et nos légendes en détail. Tout ce que tu as besoin de savoir dans un premier temps, c'est que le peuple humain et le peuple thérianthrope, ne formaient qu'un seul et même peuple au début des temps. Certains ont privilégié la connaissance et ont adopté leur forme humaine, tandis que d'autres ont préféré la force, conservant leur forme bestiale. Des conflits nous ont opposés et des guerriers les plus belliqueux, sont apparus les omégas, chez les humains et les gammas, chez les thérianthropes. Ces derniers sont reconnaissables à leur forme animale complète, comme la mienne. Les autres soldats du camp sont des thérianthropes ordinaires, que l'on appelle des thétas. Pour en revenir aux gammas et aux omégas, Luna, notre déesse mère les a liés ensemble pour tisser un lien intrinsèque entre nos deux peuples. C'est pour cela que les chaleurs des omégas peuvent être assouvies par les gammas, vos partenaires destinés. Les alphas ne résultent que de l'union proscrite entre un humain ordinaire et un gamma, ce qui les rend instables. Ils ne sont pas idéals pour toi, tu comprends ?

J'acquiesçai, l'esprit un peu brumeux. Sa version de l'histoire ne collait en rien à mes croyances. Adrik se leva finalement, un sourire en coin.

— En tout cas, tu te révèles fort intéressant Jeizah.

Sous les masquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant