Chapitre 31

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Nous galopâmes à un rythme soutenu à travers les sous-bois. Le hongre que je chevauchais renâcla quand la jument revêche de Sinha le dépassa. D'une nature calme, il était le cheval parfait pour un cavalier comme moi, qui montait rarement. La vie à la Fleur Blanche ne nécessitait presque jamais que je me déplace sur de longues distances. Ainsi, Adrik m'avait appris les rudiments de l'équitation, mais je n'en étais pas devenu pour autant aguerri à l'exercice, tels les deux monstres équestres à mes côtés. Devant nous, ce dernier qui nous avait rejoints au matin pour cette première chasse au gibier de l'année ouvrait la voie.

Le chemin se transforma en une montée rocheuse et nous obligea à ralentir et à passer les uns derrière les autres. À travers le feuillage épars, une clairière se dessina bientôt, ombrée par les couleurs déclinantes du jour.

Un ultime lapin avait donné du fil à retordre à Adrik et avait ainsi retardé notre retour. Pourtant, nos proies ne manquaient pas, la preuve en était de nos sacoches remplies à ras bord.

- Nous devrions nous arrêter ici. Ce serait bien plus dangereux de rejoindre maintenant le pavillon de chasse que de dormir à la belle étoile, annonça Adrik.

- Tout à fait, valida Sinha. Je ne veux pas que nos chevaux se blessent et l'endroit semble parfait.

Je demeurais cependant sceptique, mais l'on ne me demanda pas mon avis. Sans tente ni couchage, mon sommeil en prendrait un coup.

Nous posâmes tout de même pied à terre et le prince nous ordonna de rassembler des branchages secs pour alimenter le feu de camp toute la nuit. Quant à lui, il s'occupa de nos montures avant de créer un foyer sécurisé par de gros cailloux. Puis, il recouvrit les ramures de mousse et à l'aide d'une pierre à feu, il les embrasa. Enfin, il récupéra les paquetages où se trouvaient nos fourrures.

Je m'exécutai, alarmé par le coucher du soleil qui se profilait. La nuit pointerait bientôt son nez et nous devions donc nous installer rapidement. Une fois que nous eûmes apporté assez de brindilles, je cherchais des branches plus larges. En moins d'une heure, une réserve s'était constituée tandis que le soir était finalement tombé.

Le foyer craquelait joyeusement sous les flammes vives. Adrik se laissa choir aux côtés de Sinha, deux lapins et sa sacoche de dépeçage dans les bras tandis que je m'asseyais en face d'eux.

- La garde doit déjà être à notre recherche. En attendant, Sinha et moi monterons le guet à tour de rôle, expliqua-t-il.

- Je peux aussi prendre un tour de garde, assurais-je, confus qu'ils ne me l'aient pas proposé.

- Tendua peut faire autant de crises qu'il le souhaite, je ne léguerai jamais ma vie entre les mains d'un humain, s'amusa le prince avant de regagner un air plus sérieux. Vous êtes beaucoup plus fragile que nous, si on se faisait attaquer, tu ne ferais pas le poids. Alors, repose-toi, la journée de demain sera éprouvante.

Adrik me lança un coup d'œil, me conseillant silencieusement de ne pas faire d'esclandre. La situation n'était pas adaptée aux disputes et aux débats. Quelques minutes plus tard, alors que je réchauffais mes mains au-dessus du feu naissant, il me balança un des lapins éviscéré et mutilé avant de m'ordonner de tirer sa peau.

Cette action me répugnait, mais malgré les quelques hauts de cœurs, mon ventre vide grognait. Sinha m'observait attentivement, s'amusant de mes difficultés alors que je me débattais avec la fourrure dense de l'animal.

- Je n'aurai jamais cru que tu adopterais un oméga, déclara Sinha en me désignant d'un signe de tête.

Adrik haussa les épaules et répondit négligemment.

Sous les masquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant