Chapitre 49

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Sinha darda sa lame contre ma gorge, signant ma défaite, avant d'abaisser le bras.

— Si tu ne te concentres que sur mon épée, tu ne prendras jamais l'avantage.

Il ramassa mon arme et me la tendit.

— Tu dois considérer la situation dans son ensemble ; mon regard, mes appuis, l'orientation de mes épaules, le mouvement de mes hanches et de mes jambes. Ce n'est qu'ainsi que tu pourras anticiper mon prochain coup, peu importe la feinte que j'utiliserai. Les mouvements du corps ne mentent pas. Tu as gagné en rapidité et en réactivité, mais tes yeux ne voient toujours que ce que l'on veut bien leur montrer.

— Vous ne jouez pas franc-jeu, protestai-je. Je ne savais même pas comment parer il y a encore trois semaines et pourtant, vous combattez comme si j'étais l'un de vos soldats.

Un sourire narquois s'immisça sur son visage alors qu'il reculait de quelques pas, se mettant en garde.

— Oh, parce que tu crois que celui qui voudra ta peau te fera la courtoisie de s'abaisser ton niveau ? C'est en mordant la poussière que l'on devient meilleur.

— Et je suppose que votre but, c'est que j'en ai la bouche remplie d'ici la fin de la journée ?

— Ne me tente pas trop, Jeizah. Je pourrai te prendre au mot !

Je claquai de la langue, positionnant mes pieds correctement, prêt à un nouvel assaut.

— Vous n'oseriez pas... n'est-ce pas ?

Un gloussement lui échappa alors qu'il s'élançait vers moi. Tandis que son buste se mouvait, annonçant son prochain coup, j'esquivai sur la droite. Un sifflement chatouilla mon ouïe lorsque son glaive aux bords émoussés frôla mes côtes. Sans perdre de temps, je ripostai, propulsant mon corps pour taillader son abdomen, vulnérable. Toutefois, il se décala et agrippa mon bras. Entraîné par mon élan, il me projeta aisément en avant. Deux mètres plus loin, je récupérai mon équilibre et me tournai vers lui.

— Tu es tellement prévisible avec tes gros sabots.

— Et vous, vous êtes presque insultant, grommelai-je. Attendez qu'un jour, j'arrive à vous toucher. L'élève finit toujours par dépasser le maître !

— Eh bien, eh bien... C'est qu'on se sent pousser des ailes.

Je l'observai sans répliquer, amusé par ce petit jeu que l'on avait développé au fur et à mesure de nos joutes. Plus que d'apprendre à me défendre, ces instants volés à l'orée du bosquet qui bordait le camp d'entraînement avaient affûté une certaine camaraderie.

De quelques gestes de la main, il m'invita à attaquer à nouveau. Depuis le début de la semaine, je m'étais fixé pour objectif de lui faire goûter à la défaite. Aujourd'hui serait le jour où je ferai taire pour quelques secondes son arrogance. J'en prenais le défi.

Pendant qu'il arrangeait sa position, je m'élançai. Après quelques parades infructueuses, sa méfiance s'amoindrit. Sinha me sous-estimait, même s'il restait toujours sur ses gardes, par précaution. Seule la ruse du débutant pourrait tromper son œil averti. Je portai un coup léger, qu'il para, nonchalant. Puis, tout en maladresse, je lui laissai un angle d'attaque facile. Comme prévu, il s'y engouffra instantanément ; son bras frappa au niveau de mon cou, aussi rapide qu'un aigle fondant sur sa proie. Toutefois, prévoyant le coup, je me baissai aisément et sans attendre, je m'accolai à son torse, le poussant en arrière tandis que ma cheville crochetait la sienne. Perdant ses appuis sous mon croc-en-jambe, il bascula. Seulement, je ne pus m'en réjouir. Ses réflexes aiguisés eurent raison de ma supercherie ; ses doigts agrippèrent ma tunique de lin et il m'entraîna dans sa chute.

Sous les masquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant