IX

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L.A, 15 mai 2000.

*Flash-back : 25 décembre 1993*

Nous étions le matin de Noël, et la famille Questz nous avait invité tous les quatre à venir partager le réveillon avec eux.

Du plus loin que je me souvienne, ce moment m'avait permis de souffler un peu. Lorsque ma mère était en présence d'Erica, je savais qu'elle n'osait pas trop tenter le diable. Ainsi, cette soirée avait fait partie de l'une des rares où elle avait été tellement sobre, qu'on aurait pu lui donner le bon dieu sans confession.

Ma mère était devenue ingérable. Il fallait toujours garder un œil sur elle, vérifiant qu'elle n'usait pas de ruses pour partir se détruire intérieurement de son plein gré. S'adapter également à ses humeurs changeantes, priant pour qu'elle ne soit pas trop en colère, au risque de le payer très cher.

Trois enfants à la maison avait dépassé la limite de la contrainte à ses yeux. Nina et Esteban étaient trop jeunes pour se prendre en main, ou même comprendre quoique ce soit. Ainsi, pour ne pas apeurer les enfants, tout en évitant de contrarier ma mère, il fallait quelqu'un pour faire le tampon. Quelqu'un au cœur des événements et capable d'avoir suffisamment de recul, pour permettre à tout ce stress de s'évacuer, en ne pouvant tout de même pas s'empêcher de se sentir coupable de la laisser descendre ses bouteilles, dans le seul et unique but d'éviter ses foudres et ses coups.

Elle n'en était plus à sa première fois, laissant la peur élire définitivement domicile en moi. Les Questz essayaient alors d'apaiser mon corps et mon âme, tandis que je faisais pression sur eux pour continuer d'entretenir le secret. Le foyer d'accueil tournoyait au dessus de ma tête comme une épée de Damoclès, et je ne voulais pas être séparée de Tom, qui était le seul mur porteur de mon taudis.

En voyant la détresse dans laquelle je me trouvais, Erica avait décidé de mettre les pieds dans le plat, afin d'être plus présente pour ma mère, quitte à parfois se battre à sa place. Elle essayait de la responsabiliser, de la sociabiliser ; de lui faire comprendre ce que représentait vraiment la vie d'adulte et que celle-ci n'était pas forcément emplie que de mauvais côtés.

Erica avait travaillé d'arrache-pied pour lui trouver un job de vendeuse, la préparant à passer un entretien correctement. Cela lui avait occupé l'esprit pendant un moment, au point qu'elle réussissait à contrôler ses colères et autres excès. Ce qui me rassurait un peu, me permettant de réaliser, ô combien j'avais de la chance d'être si bien entourée.

Et tout ça, je le devais à Tom. Il avait toujours été fidèle à sa parole, n'hésitant pas à se démener, quitte à impliquer ses parents. Parce qu'à défaut d'avoir une situation familiale médiocre, l'amicale ne s'était jamais aussi bien portée.

... Ah oui, mes sentiments. Voilà que je m'étais résignée à croire qu'il s'agissait juste d'une expérience qui n'avait aboutie à rien de concret. Il n'y avait jamais donné suite, et ce que j'avais pensé être un début de romance, n'était rien de plus qu'une idée qui avait germé, puis fané dans ma tête.

Ainsi, le semblant d'ambiguïté qui avait perduré pendant un temps s'était totalement estompé au fur et à mesure des mois et des années. A contrario, notre amitié s'était renforcée ― au plus grand bonheur de Tom, qui avait craint qu'elle n'ait été gâchée à la suite de ce baiser.

Du moins, c'était ce dont j'avais essayé de me convaincre depuis maintenant deux ans.

Il ne voulait pas de moi dans ce sens-là. Parce que les occasions n'avaient pas manquées pour aborder le sujet.

À portée de main [en longue réécriture...]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant