XXXII

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L.A, 3 juillet 2000

- « Voilà... Je suis vraiment, vraiment désolée. »

Le regard bouleversé de Nina me prit aux tripes et je sentis alors mon estomac se tordre dans tous les sens. Celui-ci était encore en vrac, après l'événement d'hier soir ; il gargouillait, se resserrait, tandis qu'une nouvelle douleur venait à l'instant de s'y ajouter.

Paul se tenait contre l'encadrement de la porte, observant la scène, comme à son habitude. Toutefois, ses traits paraissaient plus tendus et son sourire plus fatigué que la normale.

Depuis que Nina était sous sa garde, nos relations s'étaient améliorées. Nous arrivions à échanger des paroles et à avoir une discussion censée, entre adultes réfléchis. Non pas qu'il ne l'ait pas été depuis le début, mais j'avouais, pour ma part, avoir manqué de professionnalisme.

A cause de simple états d'âme dont il ignorait l'existence.

Secrètement, j'étais soulagée qu'il soit passé outre, depuis le début. Il n'avait pas attendu que Nina soit dans sa vie pour garder son enthousiasme naturel avec moi, et ce, malgré mon incroyable impolitesse.

J'avouais avoir pas mal été bluffée par sa patience. Les gens en manquaient de nos jours. Quelque part, c'était bien que quelqu'un soit là pour nous rappeler d'où l'on venait et que les choses ne se passaient pas toujours selon notre bon vouloir.

Seulement, le moment était mal choisi pour se focaliser sur nos états d'âme respectifs. Je savais qu'il était très concerné par la condition de Nina, mais les émotions de la principale intéressée devaient rester notre priorité.

Et elles ne plaidaient en la faveur de personne.

- « C'est pour ça que tu n'es pas venue, hier ? » demanda-t-elle d'une toute petite voix.

Elle se tripotait les doigts, la couette remontée jusqu'au menton, malgré la haute température de juillet. La fièvre devait sûrement continuer de la secouer ; en effet, ses bras dépassant de sous la couverture, esquissèrent un soubresaut.

Seul son regard semblait avoir assez de force pour soutenir le mien, qu'il m'était impossible de fuir. Le visage de ma petite sœur était sûrement l'unique chose que je réussissais à observer de face, en toute sérénité. Sûrement parce qu'elle était la seule à aduler le moindre de mes faits et gestes, et qu'en l'observant, je n'avais pas l'impression de contempler le poids de mes échecs.

Il y avait seulement de la bienveillance et du réconfort. Des sentiments qui procuraient du bien-être et de la confiance, lorsqu'on les regardait en face.

Même après la mort de son frère, elle avait compris depuis le début que la situation nous avait échappé, sans que nous n'y pouvions rien. Son deuil était plus violent, surtout vis-à-vis de son jeune âge, et elle avait eu besoin de vider sa haine et son incompréhension. Quelque part, le déni était encore un côté de l'innocence qu'elle souhaitait conserver, et je ne pourrais jamais la blâmer sur ça.

Mais là... Me pardonnerait-elle d'être aussi impuissante ?

- « Possible... Disons que j'avais un peu honte. » lâchai-je, avec un faible sourire.

Elle essaya de m'imiter. Mais je voyais bien que le cœur n'y était pas.

- « Kerrie... tu sais que ce qui m'importe, c'est de t'avoir retrouvée. Me dénicher un rein est juste un détail, ou le miracle qui n'arrive pas deux fois.

- Ne dis pas ça, Nina. On va-t'en trouver un. Tu es sur la liste d'attente, il y aura forcément un donneur qui se manifestera à un moment, c'est certain ! »

À portée de main [en longue réécriture...]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant