XIII

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L.A, 20 mai 2000 au soir

Cinq ans.

Cinq ans que j'essayais d'aller de l'avant, en tentant de rester à la surface d'une eau noire et profonde, qui m'engloutissait encore avec trop de facilité. Aujourd'hui, on m'avait donné une chance de nager jusqu'à une berge qui n'était pas aussi loin que prévu.

Malheureusement, j'avais décidé de ne pas la voir.

Toutes sortes d'interrogations se bousculaient désormais dans ma tête. La raison de sa présence ici, face à moi, ce même soir, dans un hôtel aux antipodes de ses principes, situé dans une ville qu'il avait cherché à fuir à tout prix ; mais également de la phrase presque cinglante qu'il venait de me sortir, et qui sonnait bien trop comme un reproche pour quelqu'un qui voulait s'effacer de mon esprit.

J'aurais pu croire que ma mémoire me jouait des tours. Après tout ce qui s'était passé ces derniers jours, le rabâchement de mes souvenirs l'avait rendu plus vrai que nature.

Pourtant, il était là, et c'était lui. Et après tout ce temps, nous n'avions rien trouvé de mieux que de nous rencontrer dans le couloir d'un hôtel où nous n'avions décidément rien à faire tous les deux.

D'ailleurs, j'aurais pu ne pas le reconnaître. C'était encore pire que la dernière fois où je l'avais quitté. La fin de l'adolescence avait terminé de le métamorphoser en véritable adulte endurci, ambitieux et confiant. Ses yeux habituellement clairs paraissaient beaucoup plus assombris par les reproches, dont la proéminence face à ma présence et mon identité devenait évidente.

Seules ses mèches blondes continuaient d'onduler sagement le long de son visage, me confirmant définitivement l'identité de ce personnage de mon enfance, qui n'en avait gardé que le nom et la couleur.

Alors, dès que nos regards se croisèrent à nouveau, je tentai de maîtriser le tremblement de mes lèvres pour paraître aussi solennelle que lui.

- « Tom Questz. » lâchai-je dignement.

Le blond continua de me toiser, avant de me répondre sèchement :

- « Kerrie Heckwood. Plus que ravi de vous revoir. »

Voilà qu'il usait du même vouvoiement que son père, qui contrastait pourtant avec les paroles qu'il venait de sortir. Une colère froide commença à me posséder, lorsque je me surpris à être incapable de détourner le regard. Voilà que des mots frénétiques s'apprêtaient à sortir d'entre mes lèvres tremblantes, mais la voix presque irréelle de Henry, dans une situation qui l'était tout autant, vint subitement me rappeler à l'ordre.

- « Je crois avoir déjà entendu votre nom quelque part... Qui êtes-vous ?

- Henry, commençai-je, tu ne...

- Je suis une ancienne connaissance de Kerrie, me coupa Tom. Nous avons eu le privilège d'étudier dans la même école, et dans le même collège. »

Le privilège, uniquement. Notre amitié passée se résumait donc à une chance qu'il avait saisie sur le moment, pour ne pas avoir à être seul dans la cour de récréation. J'hésitais à trouver son raccourci risible, mais la colère que je ressentais et qui s'intensifiait me laissait présager que je n'avais pas apprécié la description snob de cette relation basée sur l'extra-scolarité.

De plus, Henry n'était pas dupe. C'était tout de suite plus étouffant, en sachant que je devais déjà gérer le regard rancunier de Tom qui m'englobait dans mon entièreté. 

- « Vous paraissez étrangement familiers pour de simples camarades de classe, enchaîna Henry, suspicieux.

- L'euphorie des retrouvailles.

À portée de main [en longue réécriture...]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant