XXVIII

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                    L.A, 29 juin 2000.

La fin de la semaine me tendait les bras. Je n'avais toujours pas eu de nouvelles pour les résultats de Nina, mais je continuais de lui rendre visite trois fois par semaine, comme il était convenu.

Son état ne s'améliorait pas ; il stagnait. Mais ça ne l'empêchait pas d'être toujours contente de me voir, lorsque je venais. Elle retrouvait alors un certain regain d'énergie, qui rassurait tout le monde.

Seulement, combien de temps étions-nous capables de tenir, dans cet état-là, à se contenter de garder la face ? L'avions-nous réellement, ce temps d'ailleurs ? Les résultats tardaient et l'état de Nina n'irait pas en s'arrangeant ; c'était un fait. Était-ce donc normal qu'ils soient aussi longs à arriver ?

Malheureusement, je n'avais pas vraiment eu le temps de me pencher plus en détail sur la question. Le temps des partiels était officiellement arrivé, mais s'était finalement bouclé plus vite que prévu. Une bonne chose pour moi ; j'avais pu m'en servir comme excuse pour fausser compagnie à Henry un moment.

Je ne l'avais pas revu depuis l'épisode avec son père. Nous nous étions séparés bredouilles le soir même, bien qu'il m'ait promis que cet incident ne se reproduirait plus et n'avait eu aucune incidence sur ses choix.

Je voulais bien le croire. Je le désirais de tout mon cœur. Mais j'avais bien vu qu'il n'était pas resté de marbre. Que contrairement à ce qu'il m'avait toujours laissé croire, l'impact de son père sur sa vie le concernait toujours, d'une manière ou d'une autre. Et qu'il n'en avait pas encore fait abstraction. Il en restait donc toujours dépendant.

Je me sentais un peu gênée. J'avais l'impression d'avoir été victime d'un chantage affectif. Qu'on m'avait forcé la main. Compressée dans un étau et incapable de défendre mon statut, je m'étais retrouvée les quatre fers en l'air, sans savoir quoi faire.

En réalité, je n'avais pas aimé cette situation. Je n'aimais pas perdre le contrôle. Je n'aimais pas être contrainte. Et Henry l'avait bien compris, lorsque nous nous étions retrouvés à deux, par la suite. Il m'avait laissé souffler, le temps des examens, par respect. Sûrement.

Mais au final, lui aussi s'était servi de cette excuse à mauvais escient. Parce qu'il ne m'avait pas recontacté.

Je n'étais plus très sûre que ce soit du respect, du coup.

J'avais eu le temps d'y réfléchir, coincée dans le plus vieil amphithéâtre de la faculté, au milieu de ce silence angoissé, corrompu par le stylo qui grattait le papier. Mes copies s'en étaient ressenties. Les feuilles avaient été trop peu noircies à mon goût et pour la première fois, ma boule au ventre n'était pas due à un manque d'inspiration. C'était presque monté au second plan.

Mais maintenant que l'adrénaline était redescendue, je m'en voulais de m'être uniquement accrochée aux séances d'études intensives avec Edwige, le week-end dernier, pour remplir mes copies, sans même avoir pris la peine de consulter mes fiches secrètes, tant convoitées par mon amie.

Au moins, elles n'avaient pas servi à grand monde.

C'était terminé. Je n'avais plus d'excuse et Henry non plus. L'heure était venue de savoir si la gêne s'était officiellement installée dans notre relation, nous forçant à trouver d'autres excuses afin de nous éviter encore un bout de temps.

Mais heureusement, j'avais trouvé une nouvelle occupation beaucoup plus importante et encore plus angoissante qu'un partiel de droit ou une confrontation avec mon petit ami, pour éviter d'y penser.

La situation de Tom, et son père, m'avait ouvert les yeux, m'ayant fait également beaucoup réfléchir sur la mienne, qui contenait plus de similitude que je voulais bien le croire. Et une sorte de nécessité s'était créée, en plus du petit côté de culpabilité.

À portée de main [en longue réécriture...]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant