XXXI

99 8 67
                                    

L.A, dans la nuit du 3 juillet 2000.

Je le dévisageais depuis maintenant plusieurs minutes. Je forçais pourtant la confrontation, mais rien à faire ; ses pieds semblaient être devenus son nouveau point de fascination, et cela arrivait à me déranger bien plus que je voulais le croire.

Accablée, je me redressais alors violemment. J'avais besoin de me lever, de faire quelques pas hors de cette salle de bains, à l'atmosphère devenue électrique.

Et puis, il avait juste attendu le moment que je bouge. Que je sois réellement énervée. Qu'il soit sûr que ce ne soit pas encore une saute d'humeur due à l'alcool.

De plus, son champ de vision rectiligne avait sûrement été altéré par mon goût trop prononcé pour le mouvement.

- « Excuse-moi, Kerrie. »

Je me figeai instantanément sur place. Parce qu'il y avait de quoi ne pas rester insensible.

Depuis le début, il s'amusait à empiéter sur mon terrain en toute âme et conscience, sans forcément me demander mon avis. Savoir si moi, j'étais gênée.

Il était persuadé d'avoir raison et que chacune de ses actions avaient été d'une quelconque utilité.

Pour lui évidemment.

Mais depuis quelques minutes, c'était à moi qu'il faisait attention. Ce que je pensais semblait désormais le concerner un minimum.

Je savais qu'il était venu ici pour avoir bonne conscience. Alors, lui demander de s'excuser pouvait paraître un poil exagéré, sachant que j'étais censée m'estimer heureuse de me retrouver avec mon ancien meilleur ami, qui s'amusait à me regarder dégobiller dans le fin fond des cabinets, avec une discrète satisfaction.

Je devais être redevable...

Et voilà que Tom Questz s'excusait de son plein gré.

Depuis l'épisode de la forêt, il devait penser s'être suffisamment dédommagé. Tout le reste n'était que de stupides états d'âme qu'il connaissait et dont je ne voulais plus qu'il se mêle. Il s'était empressé de tomber d'accord, pour le bien de tous.

Mais en réalité, je me rendais compte qu'il y avait encore beaucoup de chemin à parcourir pour arriver à un apaisement unanime. Cela ne suffisait pas.

Je semblais en avoir plus besoin que lui, mais c'était toujours utile de se sentir enfin serein dans sa tête et dans son corps. Je doutais qu'il ne me contredise là-dessus. Excepté par fierté, sans doute.

J'étais presque sûre que cela aboutirait à des liens plus solides, comme nous l'avions évoqué dans la forêt. Ces liens-là qui n'existaient toujours pas. On se contentait simplement de se rendre la pareille, comme des enfants bredouilles, qui ne savaient toujours pas comment s'avouer, qu'en fin de compte, ils s'appréciaient suffisamment pour être encore capables de telles choses, sans se contenter de gratter la surface.

Des liens qui ne vaudraient jamais ceux que nous avions connus, mais qui seraient fabriqués à partir de ceux-ci. Nos souvenirs seraient notre moteur pour enfin ôter toute cette animosité flottant autour de nous, cachée par une hypocrisie sans renom.

Le tout, c'était d'être réellement certains et prêts à vouloir les construire. Tous les deux.

- « Ce n'est rien.

- Non. Sinon, je ne m'excuserais pas. »

Qu'avais-je dit, déjà ?

- « Qu'est-ce qui t'as fait changer d'avis ? »

À portée de main [en longue réécriture...]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant