L.A, 1er mai 2000, au soir.
Le bus venait à peine de me déposer chez moi, que ma boule au ventre quotidienne venait tout juste de réapparaître.
Habitant au quatrième étage d'un immeuble miteux, je traînais des pieds jusqu'aux escaliers. L'ancienneté et la fragilité du bâtiment ne permettaient pas la construction d'un ascenseur.
Je repensais sans cesse à ce que m'avait dit Edwige tout à l'heure et à quel point ses paroles avaient été blessantes. Je devais sûrement encaisser depuis trop longtemps, à force d'entendre le même refrain régulièrement. Edwige n'était pas la première, loin de là. Et d'ailleurs, je me jurais à chaque fois d'arrêter de penser que quelqu'un finirait par être compréhensif. Il fallait croire que je tombais toujours dans le panneau pour en arriver à cette fâcheuse conclusion. J'étais bien la fille naïve dans un monde de naïfs conscients.
Pourtant, il y avait bien une seule et unique personne qui avait fait l'exception. Une personne que je connaissais depuis ma plus tendre enfance. Une personne avec qui je m'étais sentie moi-même, sans avoir à me demander comment les autres me percevaient en sa compagnie. Une personne avec qui j'avais pu faire ce que bon me semblait, me laisser vivre, sans voir le temps passer. Sans me poser de questions. Une personne que j'avais aimée de manière inconditionnelle.
Cette personne s'appelait Tom Questz. Mon meilleur ami d'enfance. Mais il n'était plus là, maintenant.
Il avait dû déménager à cause d'une fâcheuse histoire avec ma mère, à laquelle je refusais de penser, tant elle semblait inimaginable. Notre amitié n'avait pas réussi à tenir le choc, même si comme beaucoup d'enfants inoffensifs, nous nous étions promis de rester amis pour la vie. Ses parents, qui étaient de très bons amis de la famille – sûrement les seuls, refusaient désormais de nous adresser la parole depuis cette péripétie. Et Tom avait suivi l'avis et l'influence de ses parents.
Mais bon, c'était tout à fait compréhensible vu l'ampleur des dégâts causés...
J'avais à présent perdu le contact avec lui depuis cinq ans. La vie sans ma moitié me paraissait extrêmement injuste et difficile. Les autres le voyaient bien ; j'étais perdue, ce qui m'avait valu pas mal de sarcasme. Nous avions tout fait à deux, je n'étais pas habituée à affronter le monde, seule. Le mythe de notre amitié avait étonné plus d'une personne, surtout lorsqu'il en était réellement devenu un. Et après, ils avaient tous fini par archiver l'affaire.
Mais j'étais surtout frustrée de savoir que j'avais perdu mon meilleur ami, à cause de ma mère, alors que nous venions à peine de nous retrouver.
De savoir que je n'étais même pas la cause principale de cet échec.
Je pensais la haïr. Depuis toujours, mais encore plus depuis ce jour-là. Elle m'avait ôté le seul halo de lumière dans ce brouillard qu'était ma vie. Elle avait déjà brisé tellement de choses en moi, me forçant à grandir plus vite et de ne pas profiter de la vie. Et elle m'avait déjà tellement séparée de lui. Mais à chaque fois, nous finissions par nous retrouver, toujours aussi complice qu'avant. Voir plus.
Il en avait fallu beaucoup pour forcer Tom à me renier. À vrai dire, je ne pensais pas que c'était possible, tant nous étions fusionnels. Tant nous étions arrivés à surmonter d'épreuves ensemble. Certes, celle-là avait été abominable et sûrement plus que toutes les autres réunies. Mais je nous avais crus assez fort pour la surmonter également.
C'était pour cela que je m'empêchais de repenser à toute cette histoire. J'en avais gardé des cicatrices qui n'avaient pas disparu avec le temps et personne ne semblait apte à pouvoir les refermer. Autant tout faire pour en ignorer leur existence. Et me répéter sans cesse que s'il était parti, c'était parce qu'il n'était pas aussi parfait que je le prétendais. Que ça avait uniquement dépendu de lui.
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À portée de main [en longue réécriture...]
Aktuelle Literatur« Le temps n'a jamais été notre ennemi. Plutôt notre ami. » Kerrie Heckwood venait de trouver un job de fleuriste en alternance avec ses cours à la faculté. Elle espérait que ce travail l'aiderait à pallier à ses problèmes fréquents, qu'ils soient i...