XXIII

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L.A, 21 juin 2000.

Paul hocha la tête, l'air satisfait. Il ne le montrait pas directement, mais je voyais du soulagement dans ses yeux. Ce qui n'eut pas le don de me rassurer moi. Le bonheur de l'un ne faisait pas forcément celui de l'autre.

Mais qui devait se sacrifier dans ce cas ?

-« Merci beaucoup Kerrie... Allons-y, il ne faut pas perdre de temps.

- Partez devant, je dois laisser quelques directives à ma collègue. »

Il me regarda, l'air réticent, signe qu'il ne croyait pas à mon mensonge. Il esquissa une moue réprobatrice et déclara :

-« Très bien... Je vous attends devant le magasin. Mais ne traînez pas trop. »

Il tourna les talons, et ouvrit la porte de l'échoppe, faisant tinter la clochette de plus belle. Dès que la porte se referma et que la cloche s'arrêta de carillonner, je me surpris à esquisser un frisson.

-« Kerrie, tout va bien ? »

Le visage effronté d'Edwige apparut dans l'encadrement de la porte de la réserve, et je vis qu'elle soutenait mon regard, anxieuse. L'attitude de Paul ne l'avait pas mise en confiance également. Sauf qu'actuellement, elle n'avait rien d'autre à faire de plus que de s'inquiéter pour moi.

-« Je crois...

- Tu veux vraiment y aller ? Tu n'as vraiment pas l'air emballée.

- Ai-je vraiment le choix ? » demandais-je avec un sourire triste

Edwige sortit de la réserve et se dirigea vers moi, les bras tendus. Elle me prit contre elle, et referma son étreinte, en me caressant le dos amicalement. Son accolade me revigora quelque peu, même si mon visage était rigide.

Je n'avais pas envie d'y aller, mais je sentais au fond de moi que si je n'y allais pas, j'allais le regretter. J'ignorais s'il allait m'arriver quelque chose, une fois que je serai là-bas, mais en réalité, j'avais plutôt peur des représailles. Des conséquences de mon absence par la suite. Qui seraient amplement plus importantes qu'un simple refus.

Depuis le début, je m'étais méfiée de Paul avec ses manies mystérieuses. Acheter toujours le même bouquet depuis dix ans, trois fois par semaine. Les fleurs ne fanaient pas aussi rapidement, aussi ses vieilles habitudes m'avaient parfois poussée aux doutes. Mais j'avais toujours préféré renoncer à m'initier dans sa vie privée, ne préférant pas savoir pourquoi le vieil homme était autant obnubilé par les bouquets de fleurs.

Je me mentirais à moi-même si je n'assumais pas mon côté curieux, attiré par les situations périlleuses. Au fond, on ne perdait pas les vieilles habitudes...

Mais il y avait tout de même cette autre raison. Cette raison tout aussi personnelle que je préférais moi-même ignorer, qui me poussait à repousser son offre.

J'espérais que sa requête n'était pas en rapport avec ses coutumes. Parce qu'il aurait pu tout aussi bien le demander à Edwige. Et le fait qu'il me demande explicitement ne fit que m'alarmer de plus belle.

-« Tu crois que c'est normal que je sois aussi apeurée ? » soufflai-je

Edwige redressa sa tête et se mordit la lèvre inférieure, pensive. Elle prenait cet air, quand elle ne voulait pas user de sa franchise, de peur de me froisser. Mais mon air affligé l'obligea, cette fois-ci, à cracher le morceau.

-« Je ne sais pas. Je pense que ça se saurait si Paul était un dangereux psychopathe. C'est un vieux client de ma mère, elle le connaît bien, il n'aurait pas fait de mal à une mouche.

À portée de main [en longue réécriture...]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant