XXIV

104 9 35
                                    

L.A, 21 juin 2000

Je n'arrivais plus à décrocher mon regard de Nina, complètement immobile. J'étais partagée entre l'envie imminente d'aller la prendre dans mes bras et de rester là, statique, encore coupable de nos derniers moments passés ensemble. Coupable d'avoir été impuissante.

Pourtant, ma sœur me souriait du plus fort qu'elle le pouvait. Malheureusement pour elle, c'était un faible sourire en coin qui lui demandait des forces qu'elle ne semblait plus avoir.

-« Tu peux venir à côté de moi, tu sais. Je n'ai pas la peste. »

Je ne savais plus où me mettre. La voir aussi fragile me forçait à me poser des questions bien trop nombreuses sur son état. J'avais peur de la toucher et qu'elle ne se brise en mille morceaux comme une vulgaire poupée de porcelaine. Non pas parce que je la pensais contagieuse.

Aussi mon premier réflexe fut de me tourner vers Paul. C'était la première fois que j'allais explicitement vers lui de mon plein gré, ce qui m'étonna moi-même. Mais surement la dernière fois que je lui demandais une faveur.

D'un certain côté, cela me gênait de le solliciter pour pouvoir toucher ma propre sœur. Comme si nous étions désormais deux inconnues, étant simplement là dans un but purement génétique. Et j'épargnais que le fait de demander à Paul l'autorisation de m'approcher d'elle était le pire des déshonneurs.

Heureusement pour moi, il hocha la tête, confiant. Comme s'il me donnait sa bénédiction. Le contraire m'aurait paru indécent, seulement j'aurais été obligée de m'y accommoder tristement. Ce n'était pas le moment de provoquer un conflit.
Mais soulagée, je vins m'asseoir sur le bord du lit de Nina, pendant qu'elle se redressait. Et lorsque nos deux regards se croisèrent à nouveau, nous nous tombions dans les bras, les larmes aux yeux, sous le regard bienveillant de Paul.

Pendant un instant, j'oubliais presque qu'elle était fragile. Elle entoura mon dos de ses petits bras, mais se sentit rapidement défaillir, quitte à rapidement se rallonger. Je la regardai faire, perplexe et indécise, en posant ma main sur son front pour vérifier qu'elle n'avait pas de fièvre.

Elle était brulante.

Elle tritura le pendentif accroché à son cou, légèrement honteuse. Je me doutais qu'elle n'était pas bien non plus moralement. Elle n'aimait pas avouer quand elle se sentait mal psychologiquement. Elle a toujours voulu jouer à la plus forte, quitte à garder la tête froide lorsque tout allait mal. Seuls Estéban et moi avions pu voir ses points faibles. Et ce malgré son jeune âge.

Alors je savais que lorsqu'elle appelait à l'aide, ce n'était pas pour rien.

Après ces retrouvailles chaleureuses mais imprévues, l'heure était enfin venue de savoir la vérité et la véritable raison de ma venue ici. Bien que cela semble effrayant et prouve que je n'étais pas sûre d'être prête à tout entendre. Mais il le fallait.

-« Mais qu'est-ce qui t'es arrivé Nina... Depuis combien de temps es-tu comme ça ? »

Elle perdit le peu de sourire qui lui restait depuis mon arrivée, et tourna son regard suppliant vers Paul, signe qu'elle était incapable de parler et qu'il fallait qu'il prenne la parole. Je ne savais pas si elle le faisait parce qu'il racontait mieux l'histoire, ou parce qu'elle n'avait plus la force de s'exprimer elle-même.

Le vieil homme, qui s'était isolé dans un coin de la pièce pour nous laisser nous retrouver, recommença à s'approcher doucement de nous et à répondre à mes questions, toujours aussi bienveillant.

-« Elle est comme ça depuis plusieurs semaines. Deux je dirais.

- Et vous avez fait des examens ?

À portée de main [en longue réécriture...]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant