À portée de main [en longue réécriture...]

XII

San Francisco, dans la nuit du 20 mai 2000.

[Point de vue omniscient]

- « Votre passeport, je vous prie. »

Le concerné tendit son dû, la figure impassible. Il était minuit passé, et son avion précédent avait atterri trente minutes plus tôt. La fatigue commençait à le submerger et il se retenait de penser à son lit adoré, qu'il avait abandonné à son logement étudiant. Mais malheureusement, il avait un rendez-vous de la plus haute importance à l'autre bout du pays, et même s'il n'était guère enchanté de faire autant de trajet, il savait que c'était le prix à payer pour espérer un jour faire son internat dans l'un des meilleurs hôpitaux des Etats-Unis.

L'hôtesse lui rendit son passeport et lui présenta les sièges alignés devant la porte d'embarquement, pour patienter avant son prochain vol de nuit. Plus que quelques heures, et il pourrait espérer atteindre sa destination à l'aube.

Le visage toujours aussi fermé, il s'y rendit sans rechigner. Il s'affala dans l'un des fauteuils, las de tous ces voyages qu'il effectuait depuis le début de la journée. Voilà que ces quelques minutes propices à la relaxation lui permettraient de reprendre des forces et d'intenter à sa nuit.

Cependant, lorsqu'il ferma les yeux, le bruit de son estomac gargouillant lui rappela soudainement qu'il n'avait rien avalé depuis midi, et que ce dernier ne le laisserait pas somnoler en paix jusqu'à ce qu'il soit rempli un minimum. Pourtant, il avait eu le choix de manger dans l'avion, mais les plateaux repas qu'on lui avait proposé ne lui avaient malheureusement pas fait de l'œil.

Maintenant, il regrettait d'avoir fait la fine bouche. En espérant que la nourriture était bonne, tout là-haut. Cela lui éviterait toutefois de s'endormir définitivement, et de manquer son vol, ainsi qu'un bon déjeuner.

Il n'eut d'autre choix que de prendre sur lui et d'ignorer les cris de famine de son estomac. Désormais obligé de rester éveillé jusqu'à l'embarquement, il décida de faire passer le temps en pianotant sur son téléphone.

Voilà qu'il remarqua un nouveau SMS, et un message vocal.

Numéro inconnu, hier à 17h23 : Coucou, c'est Lindsay, l'étudiante en école d'infirmière de la nuit dernière. J'ai chopé tes coordonnées, et je n'ai pas pu m'empêcher de t'envoyer un message... Vois-tu, j'ai beaucoup apprécié notre petit plan, et j'aimerais remettre ça. Tu peux donc m'appeler à ce numéro, je suis à ton entière disposition ! ;-) xx.

Il leva les yeux au ciel, avant d'effacer le message de cette jeune femme de son âge qu'il avait rencontré dans un bar. Cette nuit était bien loin de l'avoir marqué pour le pousser à recommencer ; en réalité, c'était principalement pour passer le temps et souffler après les cours. Au fond, tout ça ne l'intéressait même pas. Il avait arrêté d'en rire depuis un moment, et il était ravi de s'exiler pour se recentrer sur lui-même et ses véritables intérêts.

D'ailleurs, le message vocal qu'il avait reçu dans la matinée risquait vainement de l'intéresser.

"Bonjour Monsieur Questz, ici le Bureau du Secrétariat Médical de New-York. Nous avons le regret de vous informer que votre demande d'internat anticipée à l'hôpital de Seattle vient d'être définitivement rejetée. Votre dossier ne semble pas les avoir convaincus. Comme nous n'avons pas réussi à vous joindre, nous vous demandons de bien vouloir nous recontacter à la réception du message, afin de nous faire part d'une nouvelle formulation de vœu. Nous nous excusons des désagréments encourus, et vous souhaitons une bonne continuation."

Son corps ne tarda pas à se crisper, au point de l'immobiliser totalement. Seule sa main tremblante continuait de serrer fort le combiné contre son oreille, pendant qu'il tombait des nues. Il n'osait pas réécouter le message pour être sûr d'en comprendre réellement le sens, bien que les paroles aient été énoncées clairement, d'une voix solennelle.