XV

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(Chapitre en cours de réécriture/correction).

L.A, 21 mai 2000

*Quelques minutes plus tôt*

Je sortis du métro, une bonne appréhension au creux du ventre ; une de celle qui nous tenait en haleine, jusqu'à être sûr de la réponse. Je ne faisais pas attention à ce qui m'entourait, ne me souciant même pas des personnes pressées qui me bousculaient. Mon regard scrutait le plus loin possible l'horizon, et la foule n'était qu'un obstacle à brasser. J'avançais alors au fur et à mesure, le sourire aux lèvres, oubliant que ce n'était pas forcément très courant, dans le coin.

Il y avait tellement longtemps que je n'avais pas ressenti pareille émotion. Elle me paraissait étrangère au milieu de cette angoisse de la violence et de la solitude, qu'elle m'apparaissait outrancière ; presque inavouable. Un secret peut-être lourd à porter, lorsqu'on attendait de moi que je reste bloquée sur ce que j'avais perdu, tant il était difficile d'aller de l'avant.

Qu'était-ce ; qu'est-ce que ça cachait ? Était-ce normal, après tout ce temps ? Arrivait-il enfin, ce coup de pouce que j'attendais, ou, au contraire, devais-je me méfier du loup qui dormait ? J'étais suffisamment entraînée, pour savoir me méfier des émotions que je ressentais ; même si je trouvais bien triste de ne pas pouvoir les ressentir pleinement.

Seulement, je n'avais pas envie de me poser de questions ; ou, du moins, une seule lorsque j'arrivai au Griddle Coffee, le sourire jusqu'aux oreilles. 

Comment réagirait Henry ?

Cette question, bien qu'à double-tranchant, ne me fit rien perdre de ma superbe. Je semblais plus excitée à l'idée d'avoir pris une initiative, que d'assumer une réponse. Sûrement parce que je m'étais précédemment faite à l'idée que Henry ne voulait plus de moi. Mais maintenant, ma confiance était si gonflée, que je me demandais quelle raison il aurait à refuser de me voir ; après tout, Edwige avait dit qu'il m'appréciait, et j'allais lui prouver que c'était réciproque.

Je me souvenais du Griddle Coffee. J'y étais déjà allée plus petite, deux ou trois fois, quand ma mère accompagnait Erica en ville. Je me remémorais les effluves qui s'échappaient des machines à moudre, des pâtisseries dans les vitrines, et des clients qui rentraient dans l'établissement. Dès qu'ils passaient la porte, ils oubliaient pourquoi ils étaient pressés, et dévoilaient ce qu'ils s'amusaient à cacher habituellement dans la rue.

C'était ce qui m'avait le plus marqué. Lorsque les clients rentraient parfois maussades, ils ressortaient toujours un peu moins triste, après avoir partagé un moment avec leur café. Si à l'époque, ma mère m'avait dit que cet établissement n'avait rien de magique, je m'étais mis dans la tête que cette boisson transformait les gens. J'aimais observer leurs traits se décrisper, dès qu'ils s'injectaient un peu de caféine dans le sang ; tous des adultes, qui avaient perdu leur insouciance. Je n'en avais pas besoin, à l'époque, me contentant de la rareté du goût meringué de ma tarte au citron, qu'Erica insistait pour me payer ; mais maintenant, je comprenais ce qu'ils vivaient. Le café n'était plus magique, mais j'en comprenais les vices. 

Je n'avais rien oublié, et c'était sûrement pour ça que le Griddle Coffee avait une bonne réputation ; on n'oubliait rien de lui. Et si ce n'était pas le café qui détendait les gens, alors, je pouvais m'avancer en disant que ma mère avait eu tort.

Éloignée de la cohue, j'attrapai un bus sur le Belvédère de la Cienega, qui me faisait quitter les quartiers de Crenshaw, pour m'amener dans l'Ouest de Hollywood, là où se trouvait le fameux café. Le long trajet m'avait permis de cogiter, et de me faire perdre un peu d'assurance ; le moment fatidique arrivait, et je ne trouvais plus de raisons qui auraient pu pousser Henry à m'attendre là-bas.

À portée de main [en longue réécriture...]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant