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L.A, 15 mai 2000.

Après cette discussion de fond, Nina s'était empressée de s'habiller, nous faisant quitter l'appartement à peine dix minutes plus tard. Nous nous retrouvâmes rapidement dans le bus, en direction du métro qui nous amènerait dans le centre ville.

Nina s'était blottie contre moi, par automatisme. Peu habituée au contact des autres, son comportement me rappela qu'il s'agissait de sa première fois dans les transports en commun. En effet, je n'avais pas eu le temps de lui expliquer comment cela fonctionnait, puisque la situation ironique qui nous riait au visage ne l'avait pas vraiment préconisé, obligeant ainsi Nina à affronter sa peur de l'inconnu dans un moment inopportun.

A chaque freinage brusque, la petite fille dérapait et perdait l'équilibre. Elle fixait alors ses chaussures en prévention de chaque arrêt, pour essayer de rester debout sur ses deux pieds. L'une de ses mains était accrochée avec fougue à la barre du bus, tandis que les doigts de l'autre comprimaient mon bras.

Livrée à elle-même, je savais qu'elle ne montrait qu'une minuscule facette de son ressenti. Elle savait qu'elle ne pouvait pas se permettre de tout montrer, dissimulant le reste de sa douleur au plus profond d'elle. Le manque de son jumeau était une épreuve particulièrement éprouvante, puisqu'on lui avait enlevé une partie d'elle-même, qui avait pris l'habitude d'évoluer avec elle.

Perdre un membre de sa famille était douloureux, et je savais qu'Esteban avait été bien plus qu'un frère pour elle. Avoir accompagné ses derniers moments, tout en ayant assisté à sa chute, s'était avéré être insoutenable et la marquerait sans doute à jamais. D'autant plus que l'espoir qui lui avait permis de garder son sang froid l'avait tenue loin de la réalité, l'empêchant de lui faire des adieux concrets et de se souvenir des derniers mots qu'elle lui avait dits.

Je le savais, et je le ressentais ; Nina souffrait énormément. En pleine période de deuil, peu de chose était pour l'instant en mesure de l'aider à tourner la page. Et même si c'était un peu tôt pour le dire, peut-être qu'obtenir justice l'aiderait à se sentir un peu plus libérée.

Pour ma part, la perte de mon petit protégé m'avait encore plus fragilisée. Sa disparition de ma vie était une ultime épreuve, que j'essuyais malgré moi avec une facilité désarmante. L'encaissement des événements m'avait rendue, à force, presque froide, ne me permettant de ressentir qu'un puissant vide qui ne cessait de m'engloutir. C'était Nina qui m'avait fait réaliser à travers notre dispute qu'Esteban était réellement parti, et qu'il ne reviendrait jamais. Comme tout le reste.

Les ongles de Nina me rentraient désormais dans la peau, aussi ôtai-je ses doigts de mon bras pour la tenir par la main. La petite fille ne broncha pas le reste du trajet, allant même jusqu'à trouver son équilibre un peu avant la fin.

Nous finîmes par arriver quinze minutes plus tard devant la bouche de métro, déjà noire de monde. Des dizaines de personnes grouillaient dans les sous-sols, comme des petites fourmis qui ne semblaient vivre que pour atteindre un but précis. Et après avoir acheté nos tickets, nous ne tardions pas à devenir à notre tour fourmis parmi les fourmis.

Une fois dans le métro, Nina desserra sa veste et enleva son béret. Elle me jeta un dernier coup d'œil, avant de dissimuler son visage derrière sa main libre, slalomant entre les corps imposants que nous croisions. Je tenais fermement le bras de ma sœur, tandis que nous nous engouffrions dans l'un des wagons, après avoir validé nos tickets.

Il était midi, et c'était heure de pointe. Nous étions serrées contre les portes, ce qui obligea Nina à se glisser derrière mes jambes pour éviter de se faire toucher par un quelconque membre humain. Je tenais donc la barre de métro d'une main et les épaules de ma petite sœur de l'autre, tentant de garder mon calme et mon équilibre.

À portée de main [en longue réécriture...]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant