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Debout, observant le grand bâtiment en pierre, retenant ma respiration, je comptais les dernières minutes dans ma tête en inspirant profondément l'air nauséabond mélangé aux effluves de caca de chiens de la veille, comme si j'espérais au fond de moi que tout cela ne soit qu'un rêve ou un cauchemar. Moi, Kim Mi, jeune étudiante de 23 ans, je m'apprêtais à rentrer dans la vie active pour seulement quelques mois et dans le chaos qu'était le monde professionnel en devenant surveillante pénitentiaire au sein de la prison la plus grande et la plus surveillée de Séoul.

Vous devez être en train de vous demander comment est-ce que j'avais bien pu atterrir ici n'est-ce pas ? La réponse était simple et en deux mots : mon père.

Mon père était le commissaire de la police de Séoul. Extrêmement respecté par ses paires et par ses officiers, il était connu dans son service pour être d'une impartialité exemplaire, strict et terriblement perfectionniste. Autant vous dire que ce n'était pas tous les jours la fête à la maison.

Moi ? Eh bien, j'étais connue pour être une fille à maman ce qui agaçait mon père. Il répétait souvent à ma mère qu'il fallait qu'elle arrête de me gâter et de me couver comme un nouveau-né. Pour se faire, il avait décidé de m'endurcir dès le plus jeune âge en me faisant regarder les émissions de faits divers les plus sanglantes et les plus terrifiantes de Corée et des Etats-Unis, jusqu'à mes 22 ans. Ce qui, finalement, n'avait eu aucun effet sur ma personne.

Et pour cause, j'avais beau faire des études de criminologie, que je n'avais pas choisi hein, j'étais loin d'être comme mon père. Lui, n'avait peur de rien ni personne. Tout mon contraire en somme. Durant ses premières années au sein de la police de Séoul, il avait réussi à mettre la main sur de nombreux criminels et à arrêter bon nombre de gangs qui sévissaient dans la région. Il était devenu le meilleur ami de ces gangsters et probablement l'homme le plus détesté par les criminels du pays. Ah mon père. Une fierté nationale.

Une chose était sûre. Je n'avais pas du tout hérité de son courage. Pour faire simple, j'étais une peureuse de première classe. Un rien m'effrayait. Que ce soit les insectes, le noir, les films d'horreurs, les manèges, les orages y compris les pets bruyants. Ouais. J'étais un cas particulier je sais.

Physiquement ? Oh eh bien. J'étais loin d'être la petite coréenne typique que l'on voit dans les k-dramas qui lancent des « oppa » à tout bout de champ en espérant que celui qu'elle aime finisse par remarquer sa présence par un coup du sort pour qu'ils s'embrassent enfin au bout du 14 ème épisode. Pardon. Il faut que je me calme. Le vendeur de shit que j'ai croisé la veille m'a pourtant assuré qu'elle n'était pas forte. Je plaisante les enfants. La drogue c'est mal ! N'y touchez jamais.

Non, non. J'avais plutôt hérité de la magnifique couleur caramel de ma mère parce que oui, il fallait que je vous le dise. J'étais métisse. Oui, métisse. Soyez pas surpris. Je sais qu'en Corée du Sud c'est quelque chose d'aussi rare que le pétrole mais il y en a. Mon père, lui, était un coréen pure souche. Ma mère quant à elle était originaire des caraïbes, des Antilles plus précisément.

Leur rencontre ? Ah bah tout ce qu'il y a de plus romantique. Digne d'une série hollywoodienne avec la fin qui va avec. En gros, dans un avion, pendant un vol Paris/Séoul il y a de cela une vingtaine d'années. Ouais, ça fait pas du tout cliché je sais. Pourtant, c'était la vérité. D'après ce que m'avait raconté ma mère, elle avait du se rendre en Corée du Sud pour un séminaire sur les MST, pour son travail en tant que chercheuse en maladie infectieuse, et mon père était son voisin pendant le vol. Je vous laisse imaginer la scène, qui a du être assez cocasse maintenant que j'y repense. Ma mère ne parlant pas un mot de coréen essayant de se faire comprendre par mon père en faisant tout un tas de gestes ou l'inverse.

Quand j'avais demandé à ma mère quel était le premier souvenir que lui avait laissé mon père, elle m'avait répondu du tac au tac et sans rougir : un cunnilingus.

Really ?

Après tout, quel meilleur souvenir qu'une petite gâterie de la part d'un homme terriblement charmant, qui ne parle pas notre langue et que l'on vient de rencontrer dans un avion hmm ? Mais oui, elle était comme ça ma mère. Cash. Elle n'avait pas peur de dire les choses qui lui passaient par la tête. Même les plus farfelues. J'avais probablement hérité ce trait de caractère d'elle.

Enfin bref. Revenons à nos moutons.

Comme je le disais, physiquement, j'étais de taille moyenne. 1M65 environ. Cheveux noirs, très frisés que je laissais constamment lâchés. De gros yeux en amande, une bouche pulpeuse et un bon body with a nice ass comme le disait souvent mon meilleur ami Kim Namjoon. Il est vrai que j'étais plutôt chanceuse de ce côté-là.

Donc oui, je m'apprêtais à pénétrer au sein de cette prison pleine de violeurs, de tueurs, de drogués, de voleurs et d'individus malsains en tout genre, qui ne craignaient en aucun cas d'aller rencontrer le Diable en personne vu la gravité de certains de leurs crimes. J'étais angoissée, je n'avais rien mangé de la matinée et pour une raison que j'ignore ma culotte était trempée alors que les températures étaient loin d'être estivales. Un vrai bonheur.

Je fis bouger mes lèvres, imitant un bruit de trompette bouchée, comme si je me préparais à chanter a cappella puis d'un pas décidé, je m'approchais de la grosse porte en ferraille avant d'y sonner. J'attendis quelques secondes puis une voix grave et rocailleuse se fit entendre à travers l'interphone.

« Prison Break de Séoul, je vous écoute. »

« Bonjour, je m'appelle Kim Mi et je suis venue pour...»

« Je vous arrête tout de suite mademoiselle. Pour les visites, vous devez passer par l'entrée principale. Là, vous vous trouvez au niveau des entrées pour le personnel et les détenus. »

« Ju-justement. Je- »

« J'ai pas que ça à foutre donc si vous pouviez accélérer le rythme qu'on y passe pas 3 heures. »

« Je ne suis pas venue pour rendre visite à un détenu. Je viens travailler. C'est mon premier jour en tant que surveillante pénitentiaire aujourd'hui vous voyez. »

Il y eut plusieurs secondes d'un silence terriblement gênant puis j'entendis un énorme rire retentir à travers l'interphone. Sympa tout ça. Si j'avais su que j'avais autant d'humour, je me serais inscrite à un concours de blagues ou mieux, à un reality-show plutôt que de subir toutes ces conneries.

Gare à toi Jimmy Fallon.

Prise de panique, je me mis à rire bêtement avec lui. J'avais pas l'air d'une idiote avec mon rire d'otarie, surtout que le vent n'arrêtait pas de me décoiffer. Je vous laisse deviner à quoi devait ressembler ma tête à ce moment-là. Vive les cheveux afro. Peace.

Il finit enfin par se calmer. « Oh bordel ! Si on m'avait dit que j'allais autant rire ce matin. Bon écoute petite, comme je te l'ai dit y a 5 minutes, les visites ne se font pas ici et si tu t'ennuies, alors je sais pas moi, va draguer des mecs ou des idoles, va te promener dans un parc mais évite de revenir ici tu veux ? C'est pas un coin pour les gamines comme toi. »

Ce mec venait sérieusement de me traiter de gamine et de petite ? En une phrase ?! « Sur ce, ciao ! »

« Non, attendez ! »

Avant que je ne puisse terminer ma phrase, il raccrocha et je me retrouvai de nouveau seule. Comme une conne. Ce début de journée n'aurait pas pu être pire. Un grondement violent résonna dans le ciel. Il ne manquait plus que ça. La pluie. J'étais bénie des Dieux. Maintenant, c'était sûr. Ils m'adoraient.

Bon sang, qu'est-ce que j'avais fait au bon Dieu pour mériter ça ?

DÉTENU Nº010997Où les histoires vivent. Découvrez maintenant