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Pdv Kirishima
Je me réveille avant l'heure. Le soleil se montre à peine, je me sens en pleine forme.
C'est le grand jour.
Aujourd'hui, je vais le voir pour la première fois. Le  « monstre » dont tout le monde parle. Le revoir, plutôt. Ça fait peut-être dix ans que j'attends ça.

Il faisait froid, ce matin là, quand ils l'ont amené pour la première fois. Du haut de mes sept ou huit ans, je ne comprenais pas pourquoi tant de foule se pressait çà et là dans les rues.
Puis j'ai compris.
Une prison sur roues est arrivée. C'était tôt, le ciel était encore à moitié noir. Des hommes armés ont ouvert la cage.
Quelque chose en est sorti, tiré de force.
Ses mains étaient enchaînées. Sa bouche cachée d'une imposante muselière. Ses poings recouverts de métal et de plomb.
Il faisait ma taille, à quelques centimètres près.
Ses pieds étaient nus et sales. Il marchait par petits pas sur les dernières plaques de givre.
Ses cheveux étaient blonds.
Une fraction de seconde, ses yeux avaient croisé les miens.
Rouges.
Ils étaient rouges.
Rouge feu. Rouge sang.
Rouge, comme moi.
Je voulais savoir pourquoi, comment il s'était retrouvé ainsi. Pourquoi il portait ce nom, pourquoi on avait hâte qu'il arrive, pourquoi on le traitait ainsi.
Pourquoi, pourquoi, pourquoi.
Le monstre.
Ma mère m'avait ramené contre elle, comme pour me protéger de lui, bien qu'il soit hors de portée.
« Qui c'est ?  » J'avais demandé.
« Quelqu'un qui amusera les gens. » m'avait-on répondu.
J'avais toujours pensé que pour faire rire les autres les autres, il fallait rire aussi, mais il n'avait pas l'air de rire.
J'en ai dédui qu'on m'avait menti.
Les geôliers l'avaient poussé jusque dans l'arène. Là-bas, je n'y étais jamais entré. Je savais seulement que des gens se battaient, et que le seul vainqueur était celui qui ressortait en vie.
En vie, mais pas toujours entier.
Je n'avais jamais réfléchi à quel genre de personne combattait. Jamais je n'aurais cru avoir moi-même l'âge d'y aller, et encore moins d'y participer.
Être si proche de tout ça, ça frôlait l'interdit. Mes parents insistaient : interdit d'entrer dans les gradins de cette arène. Après tout, si j'en crois leurs mots, un regard aussi noble que le miens ne doit pas se poser sur des êtres impurs.
Pendant des années, des rumeurs sur les exploits de ce garçon se baladaient dans les rues, parvenaient jusqu'à mes oreilles.
Il a survécu.
Il est encore en vie. Dix ans de lutte.

Aujourd'hui, j'ai décidé de m'y introduire en cachette. Je suis assez grand pour passer inaperçu. Peut-être que ce n'est que par curiosité. Peut-être.
Mais aujourd'hui, un combat exceptionnel a été annoncé. Un tournoi. Et je sais qu'il y sera.
Ils l'ont dit.
Ils l'ont appelé.
« Le monstre » .
J'irai ce soir.
Je suis prêt. Je sais exactement comment sortir de ce palais, comment m'échapper sans être repéré. Après tout, c'est chez moi.
J'irai trouver le blond aux yeux rouges.
J'irai le trouver.
Et alors, je lui poserai des questions. Un tas de questions. Et il me répondra. Je saurai son histoire. Je comprendrai. Je saurai pourquoi.

Toute la journée, je joue les innocents.
Un événement ? Non, je ne suis pas au courant.
Personne ne voit rien.
Personne ne voit jamais rien, ici.
Tant mieux.

J'enfile une cape noire. Pas trop chaude, étant donné que c'est l'été.
J'attends. Je ne dois plus entendre un bruit. Je dois résister à l'excitation et me calmer. Patienter. Respirer lentement, me concentrer sur la provenance des bruits de pas et leur destination.
Le temps n'est jamais passé aussi lentement. On dirait qu'il recule au lieu d'avancer.
Mais c'est bon. C'est le moment.
Plus personne ne bouge.
Le Seigneur et sa femme sont endormis. Je sors à pas de loup.
L'avantage ici, c'est que le parquet ne grince pas. Si je marche doucement, on ne m'entend pas. C'est pour les pauvres, apparemment, les bruits de bois. Je ne sais pas qui s'applique à rendre notre logement silencieux, mais cette personne est douée pour rendre les lieux effrayants.
J'ai besoin de bruit.
Il n'y a que les morts qui n'en font pas.

Fire On Fire [Kiribaku] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant