Faire Semblant De Ne Rien Voir

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Alors que Gary me foudroyait de ce regard plein d'émotions troublantes qu'il portait dans les yeux, je courus immédiatement hors de la maison, afin de me réfugier dans ma cabane de poupées. Un des seuls trésors que j'avais. Celui que ma mère avait eu l'amour de me faire construire, car elle savait peut-être que des moments comme ça allaient nous arriver.

Et pendant qu'ils continuaient tous de se quereller, je ne voulais que m'en aller dans un monde meilleur. Du haut de mes huit ans, bien que je ne savais pas exactement où était mon frère Josh, je souhaitais quand même aller le rejoindre et ne plus avoir à me battre. Me battre contre des forces que je ne comprenais même pas.

Je pensais ensuite être seule comme d'habitude, mais je ne l'étais pas.

Le malheur qu'on traversait tous avait quelque peu changé les cœurs fragiles que les enfants de cette maison avaient.

Ma sœur Elena avait en effet suivi mes pas, puis vint donc me retrouver.

'Hey!' Me dit elle, alors que je n'arrivais point à répondre, car ma voix se noyait dans les larmes de mon cœur.

Néanmoins, elle ne s'arrêta point. Elle me réconforta, 'Ne t'inquiètes pas, ok ? C'est vrai que grand frère est partie, mais il est aux côtés de Dieu... sûrement en train de nous attendre.' Avant de sourire amèrement. Or, je voyais bien qu'elle aussi essayait de s'en persuader de ces paroles qui frappaient le bout de sa langue. 'Ne t'en fais pas !' Essaya-t-elle de me rassurer de nouveau. 'On le reverra si on continue juste de suivre et d'écouter la voix de Dieu.' Et une plume coula le long de mon visage, avant qu'une pluie ne tombe sur le sien.

Elle me serra fort dans ses bras, et je sentais ses chaudes larmes glisser sur ma peau, créant ainsi un chemin vers le réconfort.

La mort de Josh avait brisé et rapproché la famille à la fois. Nous étions dans une phase perdue entre la culpabilité et l'espoir.

On se sentait coupable d'avoir laissé notre frère partir, sans avoir remarqué ses appels au secours, mais quelque part, on gardait espoir grâce à Dieu.

Gary, ma sœur et moi-même, nous nous soutenions les uns les autres dans ces moments difficiles. Lorsqu'on avait l'impression que nos parents nageaient dans l'inconscience.

Chacun d'eux préférait penser à l'avenir et faire comme si Josh n'avait jamais existé.

Ainsi, quand les remords et la peine frappaient à la porte de leur chambre de manière très violente afin qu'ils entendent, ils se soûlaient au plus vite pour ne pas être conscients devant la réalité.

Pendant que nous les enfants, on préférait se tenir la main et regarder la peine, droit dans les yeux.

Ce soir-là, Gary et mon père s'étaient couchés, étant fâchés l'un contre l'autre. Quant à ma mère qui venait d'entendre cette nouvelle concernant les affaires de papa, elle avait recommencé à chantonner des louanges dans toute la maison.

Comme si elle avait trouvé une drogue qui la permettait de ne plus faire face à son malheur. Elle avait trouvé une porte de sortie.

Pourtant, elle ne faisait juste que s'enfoncer dans des illusions. Maman ne savait pas qu'à force de faire semblant d'être aveugle, on le devient vraiment et on rate le passage du bonheur lorsqu'il se présente à nous. On ne le reconnaît plus tout simplement parce qu'on n'a pas voulu reconnaître ce qui le précédait.

De plus, elle avait aussi une relation avec Dieu assez étrange.

Quand tout allait mal, elle L'ignorait et quand tout allait bien, elle Le remerciait sans pour autant Le prier en esprit et en vérité ou même essayer de suivre Ses commandements à la lettre.

Et quant à mon père, il s'était soudainement mis à être croyant. Un croyant plutôt spécial, je dois l'avouer.

Le lundi matin arriva enfin et la routine avait repris.

Ma mère nous déposait à l'école lorsque mon frère ainsi que ma sœur qui devaient expliquer à leurs amis ce qu'ils ressentaient depuis le décès de Josh, voyaient leurs vies de lycéens se compliquer.

Même cet endroit qui avait toujours été pour eux une cachette avec laquelle ils étaient à l'abri de l'insouciance émotionnelle de nos parents, devenait dorénavant une lourde charge.

Eux aussi devaient donc trouver une porte de sortie à ce malheur qui ne voulait pas les lâcher. Eux pourtant qui se tenaient la main pour résister, n'allaient plus pouvoir tenir.

Alors, ma sœur tombait de plus en plus dans une dépendance aux hommes pendant que mon frère, lui, tombait tout court.

De la semaine, papa ne passait aucune journée à la maison et rentrait très tard. Ma mère qui n'était pas habituée à un homme aussi vaillant, l'arrêta un mercredi soir lorsque enfin, il pût rentrer avant qu'elle ne s'endorme. Nous étions tous dans le salon en train de suivre la télé au moment où il passa la porte.

'Bonsoir !' Nous avait-il dit.

'Salut chéri, ça va ?' Demandait maman.

'Oui, merci. Qu'as-tu préparé ?' Demanda-t-il en lui remettant sa mallette.

'Du riz et du poisson frit.' Répondit-elle. 'La table est déjà faite.'

'Ok... j'ai faim. Très faim !'

'Assieds-toi, donc.' Avait-elle prié avant d'envoyer ma sœur déposer la mallette de papa dans leur chambre.

Ce dernier s'assied ensuite et on remarqua tous, tout comme Éléna qui revint dans la pièce, que sa façon de manger avait quelque peu changé. Papa n'avalait plus grossièrement ses plats, il ne mangeait même plus avec les mains, mais avec plutôt avec des couverts.

Ma mère qui l'observait lui fit part de son émerveillement 'Chéri, tu es maintenant un blanc hein !'

'Quand l'argent vient, il faut bien le recevoir.'

'Amen.' Disait-elle.

'Humm... ' Bruire t-il, 'j'ai une annonce à vous faire !'

'Encore ?' Demanda ma sœur, épuisée par les conversations de papa qui ces derniers temps ne tournaient qu'autour de ses rêves.

Pendant que l'on avait besoin de nos parents pour nous consoler, eux, ils nous parlaient d'argent et de leurs fabuleuses aspirations qui allaient très bientôt trouver le chemin de la réalisation. Quant à nos rêves à nous, ils n'existaient presque même plus. De toute manière, ils n'avaient jamais existé.

Or, ce soir-là, nous fûmes très étonnés de ce que notre père nous annonça. Entre deux fourchettes de riz, il nous ordonna, 'Commencez à faire vos bagages.' Et nos regards se retournèrent tous vers lui, lorsque ce dernier précisait, 'on déménage dans un mois.'

'Déménager ?' Répéta encore maman.

'Femme, arrête de toujours bêtement répéter ce que je dis... tu as bien entendu. Déménager !' Avait-il déclaré de son air condescendant avant de lui dire, 'commences déjà à mettre les choses dans des cartons.' Et il continuait à manger après avoir ironiquement susurré, 'quelles choses même ? Je vais tout racheter.' Banalisant ce que cela avait coûté à notre mère d'acheter tout ce matériel pendant les longues années de leur mariage.

Mais cette dernière ne prononça rien, tout comme ma sœur qui s'était tue alors que nous étions tous sans mots. Qu'avions-nous même à exprimer ?

Notre parole d'enfant ne comptait que peu et encore moins celle des femmes.

Nos vies s'apprêtaient à changer. Grandement. On dépendait de nos parents et nos morales n'étaient pas encore solides pour qu'on puisse se débrouiller seul dans la vie. Alors, peu importe où ils allaient, on était bien obligé de les suivre.

Pourtant, le trouble allait pleuvoir dans notre maison, tandis que maman allait faire comme si de rien n'était. Ignorant Même la souffrance de ses propres enfants.

Ma Foi À Rude Épreuve.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant