Chapitre 21

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    Sous sa couverture, Jungkook fixe dans la pénombre le plafond de la chambre. Sa hauteur se meut sous ses yeux, psychédélique. Tantôt l'engloutissant entre ses murs, tantôt se déployant vers une obscurité sans fin ; hallucination fiévreuse. Son malaise grandit. Les draps l'enserrent, presque vivants. Il a l'impression d'étouffer, d'être retenu prisonnier dans une pièce qui ne lui laisse d'autre issue que celle d'errer dans les méandres d'un manoir inconnu.

    Ses démons les plus profonds s'éveillent.

    Le front en sueur, il se redresse et arrache la couverture. Il passe une main tremblante dans ses cheveux. Son cœur bat à tout rompre. Un millier d'émotions et de pensées muettes se bousculent dans son esprit sans qu'il ne puisse s'attarder sur l'une d'entre elles, l'oppressent comme un ordinateur dont les circuits seraient en train de griller. Son cerveau implose, grossit autour d'un tumulte assourdissant jusqu'à perforer son crâne. Il se comprime les tempes, les dents serrées. Il lui faut de l'aide. De l'aide.

— Pitié...

    Mais personne ne viendra. Car personne ne peut soigner le mal qui l'habite. Cette capacité incontrôlable à s'autodétruire plus qu'à se reconstruire. Souffrance sans douleur, invisible, dérive empoisonnée en dehors de la réalité.

    Pour le pousser vers le gouffre.

    Les profondeurs se sont rapprochées grâce à son trouble. Les venues de J-Kay ont ouvert les portes. Les mots se concrétisent, les idées les plus sombres affluent, claires, celles-ci. Nettes, dans toute leur horreur. Les voix sont suaves, attrayantes.

    Ses ongles se plantent dans son crâne. L'asphyxie arrive. Une asphyxie que l'oxygène ne sait contrer. Tout son être suffoque, happé par l'angoisse. Les visages obscurs de ses maux accaparent sa raison, le tirent avec leurs bras sournois pour l'entraîner vers le bas.

    Pourquoi se battre... Pourquoi continuer alors que tu peux mettre fin à tout ça...

    Son souffle se hache, entre deux gémissements étranglés. Ses yeux s'agrandissent, en quête d'un repère qu'il ne peut trouver nulle part - l'enfer est en lui.

    Abandonne, ça n'en vaut pas la peine. Tu n'arriveras jamais à rien. Tu finiras toujours par échouer. Cesse de te battre, abandonne... Abandonne... c'est si simple...

    Les larmes roulent sur ses lèvres mordues.

— Stop... pitié, stop... !

    Tu serais mieux mort.

    Il enfouit sa tête dans l'oreiller et hurle à s'en briser les cordes vocales, dans l'espoir que, peut-être, ses tortionnaires aient pitié de son âme.

    Il se redresse lentement et s'assoit en tailleur, essoufflé.

— Je devrais mourir... ?

    Tu n'as que des rêves, tu n'es rien. Rien n'est construit. Et rien ne le seras. Tu te bats pour rien.

— Je ne peux pas faire ça à Zhan Hyung... sanglote-t-il. Je ne peux pas lui faire du mal, je... je ne peux pas...

    Ça finira par passer. La douleur passera. Il ira mieux un jour. Tu peux lâcher prise, c'est facile... La solution est simple... Lâche prise... Libère-toi...

    Les pleurs s'étranglent dans sa gorge. Ses lèvres étirent un sourire puis un ricanement nerveux s'en échappe, silencieux. Tout son corps en tremble. Son rire se mêle aux larmes. Fatigué, cynique.

    Il tente de se lever pour quitter la chambre - plutôt aller partout que rester dans cet endroit, en cet instant. Il doit briser ce moment d'horreur. Mais son corps ne répond plus, englué sur le matelas. Pas un doigt ne cille. La volonté est transmise, mais ses membres restent ballants, amorphes. Sa tête bouge. Se déboîte. Elle seule réagit. Mais cette fois, d'elle-même.

Madness and Blood (𝑘𝑜𝑜𝑘𝑣-𝑦𝑖𝑧ℎ𝑎𝑛)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant