Chapitre 34

344 63 40
                                    

    Minuit passé.

    Malgré une douche bien chaude, impossible de dormir. Et qui le pourrait dans ce manoir au silence pesant, perdu au cœur d'une immensité boisée ?

    Zhan se redresse et se frotte le visage, contrarié. Il est seul depuis environ trente minutes, maintenant. La raison de son insomnie est celle aussi qui le convainc de se lever. Son instinct ne peut se faire museler plus longtemps.

    En bon enquêteur, il arpente le couloir de la partie nuit et ses pièces. Tout ici paraît normal... jusqu'à la découverte d'un endroit dont la porte n'avait encore jamais été laissée entrouverte. Une chambre aux murs et au linge de lit vermillon.

    Il pousse un peu plus la porte et pénètre à l'intérieur. Sa curiosité se mue en anxiété dès lors qu'il ouvre le tiroir du grand chevet : des liens et accessoires en tous genres, des attaches en cuir, des foulards noirs – dont le rôle certain est d'ôter la vue ou la parole –, mais également des serviettes blanches. Pourquoi des serviettes ? Zhan referme le petit meuble, perturbé, et baisse les yeux sur les draps de soie rouge. En suivant son tombant du regard, le parquet attire son attention. Il s'accroupit pour gratter une tâche séchée, ancrée au sol. Après l'avoir examinée, il se relève, effaré. Une goutte de sang.

    Cet homme est-il à ce point brutal dans le sexe qu'il en blesse ses partenaires à les faire saigner ? Au souvenir de leur nuit dernière, ses paroles et son attitude lui reviennent en mémoire.

    « Je ne veux pas vous abîmer » ; « Si vous voulez que je sois doux »

    Une bouffée de chaleur lui monte aux joues. Il quitte la chambre, bouleversé. Il doit se rafraîchir.

    Son verre d'eau avalé, il étudie la cuisine et découvre un petit couloir derrière un rideau gris menant vers un autre coin, plus discret. Une buanderie ? Non, une porte blanche cadenassée. Pourquoi cette pièce est-elle si bien protégée ? Quelle nouvelle étrangeté renferme-t-elle ?

    Il s'en retourne fouiner tous les tiroirs, en quête des différents outils pointus susceptibles de l'aider à forcer la serrure de l'objet. Pour un ancien policier tel que lui, habitué à mettre son nez partout, c'est un jeu d'enfant. Quelques cliquetis plus tard, la petite barre s'incline devant son doigté et lui offre l'accès.

    Une pièce à la lumière faiblarde, de la taille d'un cagibi, se dévoile, plus fraîche en température. En son fond, une nouvelle porte épaisse à l'acier métallique. Une chambre froide ? Il s'empare de la grosse poignée puis, après une courte hésitation, la déverrouille. Son souffle se coupe dès que l'antre se divulgue.

    Les trois murs ne sont qu'une compilation d'étagères sur dix mètres carrés où s'aligne, par rangées, une centaine de poches de sang, semblables à celle du lieutenant Sungwoo, lors de leur kidnapping.

    Il porte une main à sa bouche, horrifié. Un vertige le précipite contre l'encadrement de la porte. Si son instinct d'agent se ravit de sa perspicacité, en revanche, les quelques espoirs qui persistaient dans son cœur sur la bonté inavouée de son patron viennent de voler en éclat. À quel point est-il affligé de s'être montré si naïf ? d'avoir voulu croire en ses belles promesses ? La vérité se révèle enfin telle qu'elle est. Brutale et cinglante. S'il rêvait tant que Wang Yibo soit l'homme bienveillant et sécurisant qu'il se disait être pour lui, finalement, c'est qu'il attendait bien plus. Derrière cette tendresse privilégiée, il désirait croire en une affection profonde. Un sentiment qui aurait répondu à celui qui naissait au fond de lui, en retour.

    "Avec moi, vous ne risquerez rien. Jamais rien."

    Un mensonge éhonté, prononcé droit dans les yeux, craché au visage. Preuve la plus abjecte que Wang Yibo n'était qu'un odieux manipulateur, déterminé à l'utiliser à des fins personnelles peu scrupuleuses. Depuis le début, sa raison le savait, et en cela, elle luttait contre ses déplorables sentiments. Il prend une longue inspiration, les lèvres tremblotantes. Ce n'est pas le moment d'écouter son cœur brisé.

Madness and Blood (𝑘𝑜𝑜𝑘𝑣-𝑦𝑖𝑧ℎ𝑎𝑛)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant