Chapitre 1

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Cinq ans plus tard

« Papa ! Il me manque un carton ! Je répète, il me manque un carton ! »

Je descendis les escaliers rapidement jusqu'à arriver dans le hall d'entrée où se trouvait mon père. J'entrai au salon pour observer par la fenêtre.

En cinq ans, cette maison n'avait pas bougé : le même jardin, la même façade, la même rue. Lorsque j'avais treize ans, mes parents et moi étions partis vivre à Seattle dans l'état de Washington pour tenter de ressouder notre famille. La stratégie avait fonctionné quelques années, mais quatre mois auparavant, ma mère avait eu la merveilleuse idée de trouver quelqu'un d'autre. Mon père avait donc décidé de revenir dans notre ancienne maison au Wisconsin, et je l'avais suivi. Pourquoi ? Parce que sur le coup, je ne voulais plus entendre parler de ma mère. Maintenant, en voyant que mon père avait doucement commencé à tourner la page, je me sentais mieux envers elle. Je ne regrettais cependant pas du tout ma décision d'être venue vivre ici avec lui. D'ailleurs, revenir m'avait procuré une vague de nostalgie et de joie qui me faisait me sentir bien à la maison. Tout ça – les alentours, les odeurs, les sons – m'avait manqué.

J'étais enfin de retour, et je ne comptais plus repartir.

Les cours commençaient dans deux jours dans mon nouveau lycée et j'avais déjà envoyé un message à Addison, ma meilleure amie, pour lui dire que j'étais rentrée dans le Wisconsin. Nous nous verrions le lendemain à quatorze heures au centre commercial. Il était vrai que, malgré mon enthousiasme concernant mon retour ici, le fait d'effectuer ma rentrée de senior* et de revoir d'anciennes connaissances —comme par exemple les parents d'Addison ou bien des anciens camarades de collège — me rendait quelque peu nerveuse depuis plusieurs jours.

« Hannah, ma chérie, il en reste un à toi devant la porte d'entrée.

— Merci papa, je vais le chercher. Il n'y a plus rien à ramener à l'intérieur de la maison ?

— Non, c'est bon, il soupira. On a enfin terminé. Pizza ce soir ?

— Oh que oui !»

Mon père, John Williams, me sourit de toutes ses dents en attrapant le téléphone afin de passer commande. Pendant ce temps, j'allai chercher le carton devant la maison.

Une fois dehors, les rayons du soleil de la fin d'après-midi vinrent caresser ma peau claire. J'observais les alentours tandis que mes yeux se posèrent sur la maison voisine, sa façade grise faisant contraste avec celle de mon habitation, blanche. De nombreux souvenirs remontèrent dans mon esprit. Des souvenirs heureux, mais qui, au fil des mois, étaient devenus difficiles à se remémorer. Pas à cause du temps qui passe, mais à cause de la distance qui m'avait séparée pendant tant d'années de tout ça. Plus elles avaient défilées, moins je n'avais souhaité me rappeler du fait que ma vie avait été vraiment joyeuse ici.

Je soupirai puis ouvris le carton que j'avais dans les mains en vitesse et cherchai à l'intérieur. Ouf, la boite était encore là.

Soulagée, je regardai une dernière fois la maison face à moi. Jadis, je restais le plus clair de mon temps libre avec mon ami, Tyler, dans sa cabane en bois qui se trouvait au fond de son jardin. Je souris doucement en me remémorant tous ces précieux moments de mon enfance passés dans ce petit habitat et remontai le reste de mes affaires dans ma chambre. Je ressentis un léger pincement au coeur en me disant que la maison avait probablement était vendue depuis le temps. Ses parents n'étaient que très peu présents en ville, et si Tyler était à l'université dans une autre métropole, rien n'aurait été étonnant s'ils avaient choisi de se séparer de la demeure.

Je me demandais ce que Tyler était devenu. Avec un an de plus que moi, il devait avoir dix-neuf ans cette année... Quelle fac avait-il choisi ? Du temps où nous étions encore en contact, il avait toujours été indécis lorsque nous nous posions la question de notre avenir. Depuis le moment de mon déménagement, nous n'avions pas arrêté de nous appeler tous les jours pour nous raconter nos journées. Ça avait duré comme ça un an et demi sans arrêt, puis petit à petit les appels s'étaient faits plus rares ou plus courts.

Deux ans après mon départ, et pour ma dernière année de collège et son entrée au lycée, Tyler et moi ne nous donnions plus de nouvelles. À mon avis, il n'y avait pas vraiment de raison à ça, simplement l'éloignement et le changement d'environnement. Cette situation m'avait pendant de longs mois énormément affectée. Je me sentais trahie, j'avais perdu mon meilleur ami. Et puis avec le temps et les quelques connaissances que j'avais réussi à me faire, la douleur s'était estompée.

Après avoir rangé l'essentiel de mes affaires — c'est-à-dire les objets auxquels je tenais le plus, ainsi que mes habits, mon peu de maquillage et mes affaires de cours — je pris mon téléphone et parcourus les réseaux sociaux, affalée sur mon lit. Mes amis de Seattle ne cessaient de m'envoyer des messages pour avoir des photos de là où je me trouvais désormais. Certains d'entre eux — ceux avec qui j'avais gardé contact — commençaient déjà à me manquer, tandis que d'autres non. La vie était faite comme ça : des amitiés qui se forment, se déforment. Comme si ce n'était qu'un passage de votre vie, qu'un tout petit chapitre.

Je partis rejoindre mon père pour manger nos pizzas devant la télé. C'était notre petit rituel du vendredi soir. Nous nous installions tous les deux sur le canapé, à regarder un bon film et à manger un repas un peu trop calorique.

Mon téléphone vibra, me signalant l'arrivée d'un nouveau message.

Lewis : Enfin arrivé dans mon nouvel appartement près de chez toi bb, on se voit vite, n'oublie pas que l'on s'aime très fort. À lundi en cours.

Je soupirai. Lewis était mon petit-ami depuis environ un an, mais il y avait eu une période où ça ne collait plus trop entre nous. Il y avait eu des moments où il n'avait pas été très raisonnable. Il avait quand même décidé de me suivre jusqu'ici, quitte à laisser ses parents et ses frères et sœurs seuls à Seattle. Je ne savais pas si c'était une bonne idée, mais je l'avais pris comme un compliment, comme une envie d'améliorer les choses. Je ne lui répondis pas et profitai à fond de mon premier vendredi soir ici avec mon père adoré.


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senior year : équivalent de la terminale en France.

Un Chemin Pour Deux - Tome 1 [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant