Un Chemin Pour Deux - Tome 1 [Terminée]

Chapitre 20

Mary

Mon sac à dos sur les épaules et une barre de céréales à la main, je sortis de ma chambre la tête pleine de pensées. Il était sept heures quarante et mon père devait m'emmener au lycée. En rentrant hier soir, j'avais envoyé un message à Addison pour lui expliquer rapidement les événements de la veille entre Hannah et Ed. Je lui avais parlé de la guitare fracassée, de la façon qu'il avait eu de parler à Hannah. Elle non plus n'avait pas su trouver d'explication plausible à une telle querelle. Si seulement j'avais pu être là au moment des faits, j'aurais pu connaître la raison de tout ça. Hannah et Ed ont toujours été très proches depuis ce début d'année. Le problème, c'est qu'elle est du genre à voir le bien partout et ne se rend donc pas compte quand quelque chose cloche entre elle et quelqu'un d'autre. Si Ed avait un quelconque problème avec elle, c'était certain qu'Hannah ne s'était doutée de rien. En tout cas, il était parti sans un regard en arrière.

Je déposai un rapide baiser sur la joue froide de ma mère qui buvait son café matinal à la table du salon, puis partis rejoindre mon père qui m'attendait déjà dans la voiture au pied de l'immeuble. Je m'installai confortablement sur le siège passager puis entamai ma barre de céréales.

« Tu sais, j'ai vu tes dessins, Mary...

Je levai les yeux au ciel, il avait recommencé.

— Papa, tu as encore fouillé dans mon carnet !

Un petit rire gêné sortit d'entre ses lèvres.

— Oui mais –écoute, ils sont de mieux en mieux réalisés. Tu sais, si tu le montres aux bonnes personnes je suis certain qu'ils pourront être reconnus.

— On a déjà eu cette discussion des centaines de fois papa. Je veux garder ces dessins pour moi, et rien que pour moi. »

L'homme à côté de moi soupira de frustration mais démarra tout de même la voiture, ne cherchant pas à insister. Karl Cheng, mon père, était un dessinateur qui avait énormément de talent, mais qui n'était malheureusement pas assez reconnu dans ce milieu pour être aisé financièrement. Il multipliait les petites missions par-ci par-là avec des bédéistes plus ou moins connus. De temps en temps, il était embauché temporairement par des auteurs de livres pour enfants, mais ça ne suffisait pas pour lui faire grimper les échelons. Malgré ça, mon père était toujours rempli d'espoir et de joie de vivre. C'était de lui que je tenais ma gaieté et ma positivité.

Je le regardais et souriais bêtement. Tout ce que j'étais, c'était grâce à lui. Ma mère m'avait fait don de son bon sens et de son côté très terre à terre. Elle travaillait chez un petit fleuriste local qui accueillait quelques dizaines de clients par jour, mais elle était très heureuse : elle avait toujours été passionnée par les fleurs.

Au bout de dix minutes d'embouteillages en plein centre ville, il réussit enfin à me déposer à quelques mètres de l'entrée du lycée. Je sortis de la voiture en lui souhaitant une bonne journée puis me dirigeai vers mes amies. Addison m'attendait patiemment contre le muret à côté du portail, accompagnée d'Hannah, ou du moins de ce qui avait l'air d'être Hannah.

Je lançai un sourire franc à la blonde et posai mon regard sur notre rousse. Elle avait les pupilles dirigées vers le sol, de grosses poches noires sous les yeux ainsi qu'un teint encore plus pâle qu'à l'habitude, presque cadavérique. Elle paraissait exténuée et semblait ne pas avoir dormi de la nuit. Je n'osais rien lui dire, ne sachant pas quelle serait sa réaction.

Alors qu'Addison s'apprêtait à me parler, Hannah se tendit brusquement à nos côtés, ses yeux rivés sur une chose au loin. Je me retournai et compris instantanément la raison de son tourment : Ed arrivait au lycée, les mains dans les poches, la tête baissée. Si ça n'avait pas été mon ami depuis quelques mois maintenant, j'aurais certainement pensé à un petit voyou.