Chapitre 37

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Un long soupir. De soulagement, ou bien peut-être de frustration. Je me regardai. Mon front suait légèrement du à la pression redescendue. La fille en face de moi, celle qui me toisait au travers du miroir, n'avait plus grand chose à voir avec ce qu'elle était en début de soirée. Des traits tirés, une mine exténuée, des yeux fatigués. Voilà à quoi je ressemblais désormais. Je soupirai longuement, lassée de me voir dans cette posture, puis récupérai mon jupon. Je me regardais une dernière fois dans le grand miroir central, avant de finalement quitter la pièce pour la laisser comme elle était quelques dizaines de minutes plus tôt : entièrement vide et plongée dans le noir.

La porte menant aux vestiaires se trouvait à l'opposé des WC, au fond du couloir. J'y passais en vitesse afin de déposer mon jupon avec le reste de mes affaires, souriant poliment au passage au jeune qui s'occupait des vestes à l'arrivée des lycéens, en début de soirée.

Lorsque je retournais dans la grande salle de bal, l'ambiance était tout autre. Des WC plongés dans le noir, au vestiaire quasi silencieux du couloir, je me retrouvais désormais au beau milieu d'une cacophonie, créant un mélange confus de sons et de voix. Scannant l'immense pièce du regard, je détectais la plupart de mes amis sur la piste de danse. Mary, Charly et Addison se déhanchaient au rythme de la musique en riant comme des tordus, et Ed se trouvait un peu plus loin, assis en face de la jeune fille du groupe de musique. Tous les deux s'étaient installés sur une table libre, dans un recoin un peu plus éloigné du monde. Un sourire me vint au visage alors que je me réinstallais sur le tabouret que j'avais laissé vide quelques dizaines de minutes plus tôt.

«Qu'est-ce qui te fait sourire comme ça ? »

Je tournai la tête vers la personne qui m'avait adressé la parole, surprise par sa présence à mes côtés. Tyler, les cheveux ébouriffés et le chapeau déposé sur la table devant nous, me regardait, un sourire amusé aux lèvres. Je le détaillai du regard un instant, analysant ses traits parfaits, avant de lui répondre.

«C'est Ed qui me fait sourire comme ça. Enfin lui et sa nouvelle amie. Au début de la soirée il n'arrêtait pas de la regarder pendant qu'elle était sur scène, et là paf, les voilà qu'ils ne peuvent plus s'arrêter de discuter !

Tyler tourna le regard dans leur direction et haussa les épaules.

— Il a raison. Cette fille lui plaisait depuis le tout début, il a bien fait de se lancer. C'est ce que tout le monde devrait faire, d'ailleurs. »

Je baissai mes yeux vers la main que Tyler avait posé sur mon avant-bras, puis planta mes yeux bleus dans les siens, si profonds et intenses qu'ils auraient pu contenir l'Univers tout entier.

Soudainement, une silhouette avait atterri dans ma vision périphérique, me faisant sursauter. C'était Ed, qui avait laissé pendant quelques instants sa nouvelle amie afin de récupérer quelque chose à cette table.

Mes lèvres pulpeuses s'entrouvrirent légèrement, laissant s'échapper l'air qui, semblait-il, avait été retenu depuis quelques instants dans ma bouche. Un léger sourire étira les traits masculins du beau blond, puis il retira doucement sa main de mon bras, laissant une sensation de vide étrange s'infiltrer dans mon corps.

«Tiens Hanninnah, tu étais où pendant une demi-heure ? Je t'ai vu aller au toilette, c'était la grosse commission ? »

Ma main ne put faire autrement que d'atterrir sur son bras dans un claquement sourd. Je ne pouvais m'empêcher de rire, sa remarque m'ayant vraiment prise au dépourvu. Tyler aussi semblait surpris. Sa tête était baissée, probablement dans l'espoir que je ne le vois pas avoir le meilleur fou rire de sa vie. Je les regardai tous les deux, à la fois rouge comme une pivoine et me débattant avec moi-même pour rester sérieuse.

«Je suis désolée de te décevoir, mais je suis simplement partie enlever mon jupon parce que j'avais trop chaud ! C'est Nancy qui m'a fait rester autant de temps.

Les visages de mes deux compagnons face à moi changèrent en un clin d'œil, passant d'un visage crispé par le rire à un minois tiré par la perplexité.

Ce fut à cet instant que je leur racontais les événements précédents, sous leurs yeux surpris et leurs oreilles attentives. Ed réagissait presque exagérément à tous les rebondissements – même quand ça n'en était pas – tandis que Tyler, lui, restait concentré sur ma bouche, probablement très intrigué par l'histoire. À la fin de mon récit, les deux regardèrent aux alentours dans l'espoir de poser leur regard sur la principale concernée.

— Tu n'as même pas eu le droit à un remerciement ?

Ed semblait bien plus offusqué que je ne l'étais.

— Elle ne t'a rien dit de déplacer ?

Je regardai Tyler qui venait de parler et lui sourit timidement en hochant la tête de gauche à droite. Je continuai mon monologue explicatif.

— Tout ce qu'il s'est passé, je vous l'ai déjà raconté. Après, je suis allée me laver les mains aux lavabos, et quand elle m'a rejoint, elle m'a simplement fait un sourire un peu gêné puis est partie. Personnellement, je pense que le sourire était sa façon à elle de me remercier. Elle n'a jamais était très aimable avec moi et elle devait certainement avoir honte et ne pas savoir comment réagir.

— Ton bon cœur te perdra, Hanninnah.

— Tu sais, la vérité c'est qu'elle m'a fait de la peine. Elle pleurait à ne plus pouvoir s'arrêter, elle paniquait et on aurait dit qu'elle vomissait ses tripes. Mais entre tout ça, elle a réussi à dire une seule phrase : ''Je me sens si seule''. Tu imagines un peu ?

— C'est bizarre pourtant, avec tout le fric que ses parents ont je ne pensais pas que tu pouvais arriver au fond du trou comme ça. Il y a toujours un monde fou chez elle pour les soirées, alors comment peut-elle se sentir seule ?

— Tu sais bien, Ed, que l'argent ne fais pas tout. Tu as beau avoir des montagnes d'argent, et des gens par milliers dans ta maison tous les week-ends, si tu n'as pas la, ou les, bonnes personnes auprès de toi ça ne fonctionnera jamais. Tu ressentiras toujours un vide quelque part au fond de toi. »

Je tournai mon regard vers Tyler. Ce qu'il venait de dire m'avait rendu triste. Parce qu'il savait pertinemment de quoi il parlait. Parce que malgré tout l'argent qu'il avait pu avoir grâce à ses parents, jamais il n'avait été réellement satisfait.

Doucement, je déposai ma main froide sur le dos de celle de mon ami. Nos regards se croisèrent, il savait que je le comprenais.

Je l'avais toujours compris.

Une nouvelle fois noyée dans la profondeur des yeux de Tyler, je ne remarquais plus rien. Je n'avais pas remarqué le regard que nous lançait Ed à cet instant dans lequel se trouvait une lueur bienveillante, comme s'il était en train de regarder quelque chose d'évident. Je ne le vis pas non plus rejoindre son amie, nous laissant seuls.

Un Chemin Pour Deux - Tome 1 [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant