Chapitre 16

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« Allez papa, rends-moi ça ! »

Les éclats de rire de mon père et moi remplissaient le salon. Il était huit heures du soir et la chaleur ambiante de la pièce contrastait avec la fraîcheur hivernale de l'extérieur. Mon père et moi nous étions préparés des hamburgers faits-maison, tandis que nous entendions qu'une fête battait son plein dans la maison voisine. Si l'on regardait par la fenêtre de la cuisine, on pouvait y voir le même spectacle qu'à chaque fois : quelques jeunes, plus ou moins ivres, se tenaient dans le jardin, la musique sortant de leur enceinte personnelle essayant de prendre le dessus sur le boum-boum continuel qui sortait de la maison. Mon père et moi avions même quelques fois du mal à nous comprendre étant donné le volume exubérant qui nous arrivait de la maison voisine.

Je repris mon pot de moutarde des mains de mon père puis en fis couler sur mon steak haché.

« Tu crois t'en sortir aussi facilement ? T'as peut-être gagné la bataille, mais certainement pas la guerre ! »

Je levai les yeux au ciel. J'avais fait regarder un film d'action à succès à mon père et depuis il se prenait pour une sorte de gangster-héros.

« Papa ça suffit, mange ton hamburger avant que je ne le fasse à ta place. »

Il me fit les gros yeux puis mordit à pleines dents dans son repas. Nous nous installâmes sur le canapé de façon à être face à la télévision. Mon père s'était assis sur le sofa tandis que j'avais choisi de poser mes fesses sur le tapis en m'adossant au canapé. Ce soir, c'était lui qui avait choisi le film, et il avait opté pour Inception. J'aimais beaucoup ce film, les intrigues de ce genre me faisaient beaucoup réfléchir et j'adorais ça.

« Regarde sa tête à lui ma chérie ! On dirait que sa crotte n'arrive pas à passer ! »

Il se mettait à éclater de rire tout seul de temps en temps en se fichant de la tête des personnages que l'on voyait apparaître à l'écran.

Je pouffai de rire en notant que la remarque de mon père n'était pas si fausse que ça. Je secouai la tête, amusée par l'énergie et la bêtise qu'il dégageait ce soir.


Tyler

J'étais assis bien confortablement sur le canapé en cuir rouge dans la petite salle au fond de mon salon. Isaac et Charly étaient assis chacun sur un fauteuil en face du canapé, Charly buvant une gorgée de son verre et Isaac flirtant avec une blonde se trouvant sur ses genoux. Je soupirai d'exaspération devant la vision de mon ami. Il ne changerait donc jamais.

Je regardais les jeunes faire des aller-retour dans la pièce, tous plus bourrés les uns que les autres. Ce soir je n'avais pas le cœur à boire. J'avais pris un verre de whisky en début de soirée et je n'y avais presque pas touché. J'essayais de faire attention : je savais pertinemment que boire alors que je n'étais pas d'humeur ne pouvait que mal finir. La dispute que j'avais eu la veille avec Hannah ne voulait pas partir de mon esprit. Je n'arrivais pas à décider qui de nous deux était le plus en tort pour le coup. Moi pour m'être mêlé de ses affaires personnelles, ou elle pour avoir réagi de manière si enfantine. Elle ne m'avait même pas adressé un regard de la journée de cours, ni ne m'avait envoyé de messages.

Putain quel con, elle n'a même pas mon numéro.

Je passai une main frustrée sur mon visage. Charly était sur son téléphone à discuter avec une fille qu'il avait rencontrée récemment et qu'il appréciait – il ne m'avait rien dit de plus – tandis qu'Isaac avait relevé les yeux vers moi, certainement lassé de la nana qui le collait depuis tout à l'heure. Un sourire narquois était scotché sur son visage embrumé par l'alcool et la fumée qu'il avait ingérés.

« Bah alors mon vieux, t'as pas l'air en forme depuis hier.

Je lui lançai un regard d'avertissement et ne lui répondis pas. Ça ne le dissuada tout de même pas de continuer.

— Ta discussion avec Williams n'a pas été toute rose si j'ai bien compris. C'est bien la première fois que je te vois galérer comme ça à chopper une gonzesse.

Il lâcha un petit rire moqueur.

— Ta gueule Isaac, commence pas avec tes conneries.

Je le regardais maintenant sévèrement. Charly avait relevé les yeux de son téléphone et nous observait tour à tour, en alerte. Isaac tira une taffe sur sa roulée et recracha une fumée grisâtre de ses nasaux. La blonde nous observait curieusement, se demandant probablement de qui nous parlions.

— Quoi ? Me dis pas que tu comptes pas te la faire ! un rire de hyène traversa ses lèvres minces. C'est une perle rare cette fille, si j'étais toi j'peux te dire que je serais passé à l'action depuis un moment. »

Je bouillonnais de l'intérieur. Mon poing se serrait tout seul et compressait mes veines, empêchant le sang de passer correctement. Il ne fallait surtout pas que je réponde à ses conneries, il le faisait exprès. Isaac avait bien compris que je tenais vraiment à cette fille, et il avait bien l'intention de jouer avec ça. Ma respiration se faisait de plus en plus tendue, et je fermai les yeux afin de reprendre le contrôle sur mes émotions.

« Arrête ça Isaac, tu vois bien que tu fais rire personne. »

Je lançai un regard silencieux de remerciement à Charly tandis que mes yeux se perdaient dans le reflet que renvoyait l'alcool présent au fond de mon verre. Celui d'un mec à la ramasse, complètement paumé.

Isaac levait les yeux au ciel.

« Oh ça va les gars. C'est pas une simple nana qui va nous embrouiller. Depuis le temps que tu la connais sérieux mec, t'aurais pu faire un effort pour te la taper plus vite. »

Mon sang ne fit qu'un tour.

Je me levai d'un bond du canapé et me ruai sur le garçon en face de moi, mon poing serré finissant sa course près de son visage. Malgré toute la volonté que j'avais pu mettre dans cette attaque, aucun coup ne vint. Je clignai des yeux à plusieurs reprises, recouvrant doucement mes esprits. Je tournai la tête vers mon poing en l'air, stoppé net dans son élan par la main forte de Charly. Il nous regardait l'un après l'autre de son regard dur de jugement et qui en disait long sur ce qu'il pensait à cet instant. Mes pupilles se tournèrent une dernière fois vers celles d'Isaac. Si mon regard avait pu le tuer, il l'aurait fait. Un grognement de rage sortit d'entre mes lèvres avant que je ne me redresse brusquement, les muscles de mes bras toujours aussi tendus. Je sorti en trombe de la pièce. J'entendais vaguement Charly sermonner Isaac mais ne m'en préoccupai pas. Il fallait que j'aille prendre l'air.

Un Chemin Pour Deux - Tome 1 [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant