Un Chemin Pour Deux - Tome 1 [Terminée]

Chapitre 23

À l'heure qu'il était – désormais dix-huit heures quarante cinq –le soir était tombé. Encore quelques éclaircies persistaient à montrer le bout de leur nez, m'illuminant légèrement le chemin. Les magasins alentours commençaient à fermer tandis que les bars et restaurants accueillaient leurs premiers clients. La demi-lune faisait doucement son apparition dans le ciel sombre de cette soirée, et les réverbères éclairaient la rue pavée sur mon passage.

Les habitations devant lesquelles je passais avaient toutes été décorées avec soin par leurs propriétaires, tantôt en illuminant au maximum les arbres de leur jardin, tantôt en accrochant des Père-Noël à leurs fenêtres. La mienne était ornée d'une magnifique guirlande dorée qui longeait toute la longueur du toit et qui retombait sur plusieurs centimètres en un rideau de paillettes. Alors que je marchais dans un quartier moins vivant, l'écho de bruits de pas vint faire la paire avec le son que produisaient mes pieds à moi lorsqu'ils tombaient sur le sol bétonné. Je me retournai mais ne vis rien. Peut-être qu'un habitant venait de rentrer tardivement du travail et qu'il s'était précipité en vitesse à l'intérieur de chez lui, sans même que je ne le voie.

Pour rejoindre le stade, je devais sortir de Glendale puis marcher sur quelques centaines de mètres sur la petite départementale qui longeait la ville. Peu de voitures passaient par là à cette heure-ci, et les magasins étaient assez rares. Seuls un garage automobile et un petit restaurant snack éclairaient le trottoir grâce à la lumière fluo de leurs néons.

Le stade était illuminé de ses dizaines de grands lampadaires qui surplombaient de plusieurs mètres le toit des gradins. Le distributeur automatique de billets devait avoir été installé assez récemment puisqu'il n'y était pas cinq ans auparavant. C'était un rectangle de fer vert et blanc, doté d'un petit écran tactile nous permettant d'acheter nos billets. Un bruit sur ma droite attira mon attention. La poubelle avait été légèrement bousculée, certainement par un chat errant.

Je m'approchai du cadran puis choisis ma demande. Je commandai deux billets pour le match de baseball prochain, pour deux adultes – mon père et moi. Je récupérai ma carte bancaire dans la poche de ma veste puis payai les deux tickets, qui étaient par la suite imprimés puis lâchés au bas de la machine, comme au photomaton. Les tickets à la main et la carte bleue bien au chaud dans la poche de ma veste, je fis demi-tour puis repris tranquillement le chemin inverse.

Désormais, la nuit était bien tombée, il était dix-neuf heures quinze. J'arriverais chez moi aux alentours de la demie si je me dépêchais un peu plus qu'à l'aller. Tandis que mes bottes rembourrées me permettaient de ne pas avoir les pieds congelés, je remontai mon écharpe jusqu'à mon nez en trompette puis mis ma capuche sur ma tête, afin de braver au mieux le froid.

Puis, arrivée au niveau des poubelles, je m'étalai au sol.

En réalité je n'avais pas trébuché, j'avais été poussé lourdement par quelqu'un. Alors que je tentai difficilement de recouvrer mes esprits, je me rendis compte que la personne en question était là, au dessus de moi, m'empêchant de faire un seul mouvement. J'étais figée, complètement gelée de terreur et de surprise. Mon agresseur était vêtu de noir de la tête aux pieds, et portait une écharpe noire, ainsi qu'un bonnet et une capuche de la même couleur. Seuls ses yeux sombres étaient visibles, me lançant un regard que je ne reconnaissais pas.

Je me pris une gifle.

C'est alors que je compris.

C'était se débattre, ou avoir très mal.

Je lâchai un cri de colère puis mis toute mon énergie dans mes jambes afin de repousser mon assaillant et de me relever. Le poing refermé sur mes tickets d'entrée que je n'avais pas lâchés, j'envoyai un coup dans le bras de celui ou celle qui me faisait face, lui arrachant un râle de surprise.