Chapitre 8

67 17 58
                                    

La chambre de mon grand-père était assez petite, mais chaleureuse. La pièce accueillait un lit simple mais qui paraissait douillet, un meuble de rangement en bois massif sur lequel trônait une télévision grise, ainsi qu'une petite table ronde et quelques chaises. Des cadres photos, des peintures ainsi que quelques plantes vertes rendaient l'intérieur un peu plus personnel. Sur le petit balcon qui collait sa chambre, mon grand-père avait fait installer un fauteuil à bascule sur lequel il passait une grande partie de ses après-midis lorsque le temps le lui permettait.

Le bâtiment en lui-même était moderne et le personnel qui travaillait dans cette maison de retraite était vraiment accueillant et chaleureux. Le petit poste de radio posé sur la table laissait s'échapper quelques notes de la chanteuse Adèle et de son titre Hello. Un petit sourire amusé éclaira mon faciès. Aussi étonnant soit-il, mon grand-père avait toujours adoré cette artiste, et d'aussi loin que je m'en souvienne, cette chanson avait toujours été sa préférée.

Charles Williams, le père de mon paternel, était confortablement assis sur le balcon, une tasse de café à la main. Il était vêtu de ses éternelles bretelles bleu marine qu'il mettait chaque jour. Lorsqu'il nous vit, ses yeux s'agrandirent de bonheur et son sourire s'étira jusqu'à ses oreilles. La joie se lisait sur son visage.

«Oh, vous voilà enfin vous deux ! »

Les deux hommes se serrèrent étroitement dans les bras, savourant cet instant de retrouvailles qu'ils avaient tous deux attendu depuis si longtemps. Combien de fois avais-je entendu mon père mourir d'envie de revoir son paternel ? Les deux avaient toujours eu une relation père-fils très fusionnelle, alors les avoir séparés aussi longtemps avait certainement été vécu comme une torture pour chacun d'entre eux.

Je me jetai également dans l'étreinte de mon grand-père tout en lui répétant à quel point j'étais heureuse de le voir.

« Comment vas-tu, papi ?

— Oh comme un ptit jeune de vingt ans ! Je pourrais aller danser dans les boums avec toi et tes amis si vous m'invitiez ! »

Mon grand-père se mit à effectuer une petite danse sur place, se déhanchant légèrement et montant ses poings au niveau de sa tête. Il dansait en rythme sur une musique silencieuse. Mon père et moi nous lançâmes un regard amusé.

« Alors les enfants, à part ça, qu'y a-t-il de neuf ?

— Et bien comme tu le sais papa, Hannah et moi sommes revenus vivre tous les deux dans la maison que l'on avait avant. Et Hannah a fait sa rentrée lundi.

— Oh c'est vrai que c'était la rentrée ! Alors comment est-ce-que ça s'est passé ma chérie ?

— Mieux que ce que je pensais en fait. Je me suis fait de nouveaux amis géniaux, et j'ai retrouvé Addison, tu sais la petite blonde qui était déjà avec moi en primaire et au collège ?

— Ah oui je me souviens d'elle, ses parents tiennent un café dans un coin de la ville. C'est une brave fille, j'espère qu'elle et sa famille vont bien.

Il se leva de son siège et se dirigea vers l'intérieur de sa chambre, semblant réfléchir un instant avant de continuer.

— Oh et ce petit là, comment s'appelle-t-il déjà... Tyler. Tu l'as revu ? C'était un bon ami à toi il me semble à l'époque. Je me souviens que lui et sa sœur étaient très gentils.

— Oh euh...Je l'ai revu une ou deux fois oui, et on s'est un peu parlés. Mais nous ne sommes plus autant amis qu'auparavant.»

Je rougissais bêtement, Tyler avait beaucoup changé. Dans les deux sens du terme. Il ressemblait encore au jeune adolescent qu'il était il y a cinq ans, mais son comportement était différent. Je repensais à la façon dont il m'avait parlé lors de notre première rencontre chez lui, la dernière fois. Bien qu'il se soit vite rattrapé et excusé, ce fut troublant. J'avais été si heureuse de le retrouver, mais à la fois j'avais été comme.. déçue ? Une chose avait changé en lui. Nous avions tous les deux changé. Mon papi, remarquant mon désarroi, me sortit de mes pensées en changeant de sujet, et je l'en remerciai intérieurement.

« Tu n'as toujours pas sorti d'album ?

— De qui parles-tu, papa ?

— Oh tu sais mon petit Johnny, il me semble que si tu parvenais à sortir un album, le monde entier serait au courant du nouveau plus grand navet musical. Je parlais bien évidemment à ta fille, imbécile.

Je pouffais de rire en voyant mon père faire une mine faussement vexée.

— Tu vas pouvoir attendre encore un moment, papi.

J'arquai un sourcil amusé en regardant mon grand-père.

— Ne gâche pas ton talent ma grande.

— J'adore chanter oui, mais je crois que ça restera simplement une passion et un hobby, je ne suis pas sûre de vouloir en faire mon métier.

Je vis mon grand-père hausser les épaules et l'entendis ronchonner dans sa longue barbe blanche. Je ris doucement en remarquant qu'il tournait son index autour de sa longue moustache immaculée, signe chez lui de profonde réflexion.

— Bien, comme tu veux, je suppose que c'est toi qui choisis. Tu as cependant tout intérêt à chanter pour moi le jour de mon enterrement !»

Je détestais lorsque mon grand-père faisait allusion au fait qu'il ne soit pas éternel. J'avais l'habitude d'avoir les larmes aux yeux et de nier fortement ses propos lorsqu'il blaguait dessus, mais j'avais décidé de m'abstenir aujourd'hui afin de profiter au maximum de nos retrouvailles et de ne pas me noyer dans ce genre de pensées morbides. Il fit son retour sur la terrasse, tendant une tasse de café brûlant à mon père et un verre de jus de fruit pour moi. Nous le remerciâmes.

Pendant un instant, aucun de nous ne parla. Nous étions plongés dans nos pensées, observant le paysage qu'offrait la nature depuis le balcon où nous nous trouvions. On entendait que les gazouillis des oiseaux et le souffle chaud du vent. J'inspirai un grand coup. La maison de retraite était un peu éloignée de la ville, et était localisée dans un espace que l'on pourrait qualifier de ''mi- campagne''. Un petit chemin en terre longeait la bâtisse, et de l'autre côté se trouvaient quelques grands pins qui surplombaient tout le reste. Au loin, à quelques dizaines de mètres, la route nationale traçait son parcours et guidait les voitures qui l'empruntaient vers l'entrée de la ville, à un ou deux kilomètres de là.

Soudainement, mon père posa son verre sur la table, se souvenant de quelque chose.

«Oh, et le petit-ami de Hannah est également venu vivre ici !

Mon grand-père se redressa sur son siège en me regardant, surpris.

— Tiens donc, je ne savais pas qu'un individu de ce genre existait ! Dis-moi tout, Hannah.

— Il s'appelle Lewis, et il est au lycée avec moi. On s'est connus à Seattle et ça fait un an que nous sommes ensemble.

Je lançai un petit sourire à mon grand-père, dont les yeux me scrutaient longuement sans qu'un son ne sorte de sa bouche. Sans même lui lancer un regard, il s'adressa à mon père.

— Hm.. Que penses-tu de lui, John ?

— Et bien, il a dîné quelques fois à la maison, il aime la pêche et ma fille, alors je ne peux que l'apprécier ! Un jour il viendra te rendre visite avec nous, papa.

Il souriait gaiement, visiblement fier d'avoir un gendre. Son regard croisa le mien, je lui rendis donc son sourire et baissai les yeux, gênée par toute cette soudaine attention. Mon grand-père balaya l'air de la main et prit la parole.

— Bien bien, assez parlé de lui. L'important est que tout aille bien pour vous mes petits. Et que tout aille bien pour moi, heureusement c'est le cas. »

Nous restâmes encore une petite heure à papoter de la vie et de tout ce qu'il s'était passé pendant ces années à ne pas se voir en vrai, puis nous saluâmes mon grand-père, pour qui il était l'heure d'aller en salle commune pour le repas. Il nous laissa dans le couloir en nous lâchant un petit : « Bon allez, il est temps que j'aille tenir compagnie à tous ces ptits vieux en haut. », puis nous nous nous sommes de nouveau dirigés vers la voiture mon père et moi, toujours le sourire aux lèvres.

Un Chemin Pour Deux - Tome 1 [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant